AIX-EN-PROVENCE
Les Allemands sont venus en nombre dans la Ville Éternelle. À Aix, un exceptionnel ensemble d’œuvres permet de découvrir leurs spécificités.
Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Les peintres allemands de la première moitié du XIXe siècle n’avaient pas de capitale commune où ils pouvaient se rencontrer. Ils allaient donc en Italie : entre 1815 et 1848, ils furent mille deux cents à s’y rendre pour quelques mois ou à s’y installer pour le restant de leur vie. Herbert W. Rott, Bruno Ély et Paméla Grimaud, avec l’appui du Centre franco-allemand de Provence, ont mis à profit la fermeture pour travaux de la Neue Pinakothek de Munich (musée d’art moderne) pour rapprocher les œuvres de François Marius Granet (1775-1849), qui a vécu vingt-cinq ans à Rome, de ces « Romains allemands ». La Neue Pinakothek a prêté 29 peintures, provenant essentiellement de la collection de Louis Ier de Bavière, ainsi que plus de 80 photographies des années 1850 à 1865, dues pour la plupart à des Italiens et conservées dans la collection Dietmar Siegert. 65 œuvres de Granet les accompagnent.
À Rome, le roi de Bavière Louis Ier, grand collectionneur, avait aménagé en centre culturel la villa Malta qu’il avait acquise en 1827 et que le Munichois Domenico Quaglio (1787-1837) a représentée en 1830, faisant figurer le roi sur la terrasse. Là se retrouvaient les artistes, certains y disposant d’un atelier. Avant même de régner, Louis de Bavière séjournait souvent dans la Ville Éternelle où il fréquentait le milieu culturel. Dans Le Prince héritier Ludwig dans la taverne à vin espagnole à Rome (1824), Franz Ludwig Catel (1778-1856) a peint celui-ci au milieu un groupe duquel il ne se distingue que par son habit vert.
La première partie du parcours permet de suivre une vingtaine d’Allemands, depuis les paysagistes qui se plaçaient encore sous l’influence de la peinture du XVIIe siècle de Claude Lorrain ou de Gaspard Dughet jusqu’aux Nazaréens prônant un retour à l’art religieux de Raphaël, tel Friedrich Overbeck (1789-1869). Dès son arrivée à Rome en 1802, François Marius Granet peignit en plein air des huiles sur papier (le musée d’Aix en possède un grand nombre), suivant une tradition italienne que découvrirent à leur tour les Allemands : Catel fut l’un des premiers à s’y adonner, faisant ainsi évoluer sa peinture de paysage vers le romantisme dont Johann Wilhelm Schirmer (1807-1863), auteur de Soirée orageuse (vers 1850), est un grand représentant. August Riedel (1799-1883), qui s’est définitivement installé en Italie en 1832, est l’auteur de gracieuses figures de caractère telle que Felice Berardi d’Albano (1842), et Theodor Leopold Weller (1802-1880) excellait dans les scènes de genre appréciées des voyageurs de passage en Italie.
Avec l’apparition de la photographie, ceux-ci purent désormais rapporter des vues de Rome d’une qualité comparable à celle des œuvres peintes. Les études de Granet offrent de grandes similitudes avec certaines photographies de la Neue Pinakothek et, devant la Fontaine au boulet de canon devant la Villa Médicis (vers 1853) saisie par James Anderson, on ne peut s’empêcher d’évoquer La Vasque de la Villa Médicis que Camille Corot a dessinée une trentaine d’années auparavant.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°593 du 8 juillet 2022, avec le titre suivant : Les peintres allemands à Rome au XIXe siècle