Apparu sur la scène artistique au milieu des années 1970, Franz West fait l’objet d’une rétrospective au Mac/Galeries contemporaines des Musées de Marseille. L’artiste négocie avec un flegme certain sa notoriété.
Il présente sa collection, invite ses étudiants, et continue à appeler, par le biais de ses œuvres, la participation physique ou mentale des spectateurs.
MARSEILLE - Étrangement, c’est par une sculpture bien sage que s’ouvre la rétrospective de Franz West au Musée d’art contemporain de Marseille. Ealan’s Desire (1991-2001), une série de pièces en fer forgé, accompagnée d’une vidéo, est tout ce qu’il y a de plus muséal. On regarde, mais on ne touche pas. Les débordements sont plutôt en face, promis par une affiche réalisée en 2001 par l’artiste. Dans le travail pictural de West, largement présenté ici, les carnations ont l’habitude de déborder. Parfois, la peinture et les collages obstruent les visages, parfois ils les recadrent, mais ils mettent toujours à vif la peau sagement neutre des photographies de presse et autres coupures recyclées par l’artiste. La manière de l’Autrichien peut paraître proche de celle d’un graphisme punk où le “do it yourself” l’emporte rageusement sur le papier glacé. Elle est aussi emblématique d’un travail où l’écart entre la sphère artistique et l’extérieur est constamment diminué. Symptomatiques de cette collision entre “art et vie”, pour reprendre une expression un peu galvaudée, quelques Paßstücke sont disposées dans les travées du Musée d’art contemporain. Adaptateurs, passeurs, ou objets fétiches, difficile de traduire exactement le sens de ces sculptures, usuelles dans le vocabulaire de Franz West depuis les années 1970. Muni d’une de ces structures informes, composée d’acier, de gaz et de plâtre, le visiteur se débrouille, gesticule et intègre l’œuvre. L’invitation à la pratique de l’art est une constante chez Franz West, et elle passe classiquement par le recours au mobilier. Ici, il a disposé une série de chaises à la peinture blanche épaisse, une Sitting sculpture composée de trois gros Paßstücke couchés aux couleurs vert, jaune et mauve, et un Pouf conçu en 2000. Par sa forme “seventies” et sa couleur bleu de médiathèque, l’objet suggère d’ailleurs assez bien ce que pourraient être les accessoires usuels d’une institution muséographique. Les chaises longues du Mao Memorial de 1996 sont, elles, plus proches des divans, machines à rêves fréquentes chez l’Autrichien. La perte de la raison par les voies du sommeil est également suggérée dans Apartment, une collaboration réalisée pour l’occasion avec Rudolf Stringls. Autour d’un lit à baldaquin composé de matériaux de récupération, ce dernier a disposé de vastes murs d’écritures en aluminium.
Plus loin, c’est avec Mike Kelley que Franz West a collaboré. En présentant une partie de sa collection (Kippenberger, Jason Rhoades...), West prouve encore sa volonté d’élargir la création au-delà de sa seule personne. La façon dont l’artiste gère les honneurs d’une rétrospective reste d’ailleurs un exemple parfait de flegme et de modestie. Non sans rappeler le fonctionnement d’un atelier du XIXe siècle, Franz West a offert à ses étudiants et assistants une grande partie de l’espace mis à sa disposition. Là, Hans Riedl a composé une structure basique à partir de néons. Le titre en dit peut-être plus que les supposées références à Dan Flavin : Wysiwyt (What you see is what you think (to see)). Faire de chaque objet, même informe et pauvre, un possible fétiche apte à recevoir les fantasmes de chacun, tel pourrait également être le programme de Franz West.
- FRANZ WEST, BURNING ; JUN YANG, jusqu’au 2 juin, Mac/Galeries contemporaines des Musées de Marseille, 69 avenue d’Haïfa, Marseille, tlj sauf lundi et jours fériés, 10h-17h, tél. 04 91 25 01 07.
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Les mystères de West
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Abonnez-vous dès 1 €Après Bruno Peinado, c’est au tour de Jun Yang (récemment exposé à la villa Arson, lire le JdA n°142, le 8 février 2002) de s’emparer de la [mac]room, espace consacré par le musée marseillais à des projets plus expérimentaux. Autrichien d’origine chinoise, Jun Yang, envisage sa biographie comme un territoire mouvant, où la mémoire se mêle à ses souvenirs de jeune Occidental nourri par Hollywood. Intitulées Levez-vous, levez-vous et Comme si tu venais de te réveiller et que c’est le nouvel an ou le jour de l’indépendance, les maquettes qu’il présente évoquent ainsi deux villes de partout et de nulle part, ni trop grandes, ni trop petites, sans réelle identité. À côté, dans la vidéo Coming home, Jun Yang raconte son enfance en évoquant ses souvenirs culinaires. C’est sous un plafond archétypal de restaurant asiatique que le spectateur est invité à partager les souvenirs de l’artiste, élevé dans l’établissement de ses parents.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°147 du 19 avril 2002, avec le titre suivant : Les mystères de West