On songe à Robert Frank, évidemment. Surtout cette photo dans son mythique ouvrage, Les Américains : des Indiens navajos, dans un bar-assommoir de Gallup, New Mexico, au bord de la Route 66. « Hip-shooting », surtout ne pas montrer qu’on est en train de viser, de cadrer... Garder le Leica à hauteur du ventre, déclencher en faisant semblant de regarder ailleurs... Il y a comme ça, dans les images d’Antoine d’Agata, pas mal de « hip-shootings » rendus nécessaires sans doute par le sujet lui-même : bas-fonds de Port-au-Prince, coupe-gorges de San Salvador, terrains vagues à La Havane, hôtels borgnes du Mexique au Guatemala, dans cette géographie des paumés, des junkies et des putes où il ne fait pas bon se promener l’appareil-photo bien en évidence. Et Antoine d’Agata, comme font les chats gris, aime les promenades nocturnes. Il en résulte des images floues, volées à des décors pas même consentants. Flou qu’on a certes beaucoup vu ailleurs, parmi les nombreux disciples de Frank justement. Mais qui s’impose ici plus que jamais : ce ne sont plus des instants à la sauvette, mais des vols à l’arraché, pas vu, pas pris, comment faire autrement aussi, ces moments-là ne se donnent pas, se prêtent encore moins, il faut s’en emparer, le plus discrètement qu’on peut, puis s’enfuir, la mort aux trousses. Chaque image devient alors un roman, peuplé de héros obscurs un instant émergés en pleine lumière.
PARIS, galerie Vu, jusqu’au 29 juillet. À lire : Antoine d’Agata, Mala Noche, éd. En Vues, 103 p., 190 F.
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Les hip-shootings de d’Agata
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°517 du 1 juin 2000, avec le titre suivant : Les hip-shootings de d’Agata