Les expositions majeures du Mois de la Photo (en termes de surface et de pondération historique) sont plutôt sages cette année : Marville, Evans, Kertész.
De Marville, on annonce l’ensemble de l’œuvre, étudié par Marie de Thézy et conservé, sous forme de négatifs grand format, à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Exemple parfait de convergence entre la photographie et les intérêts administratifs et urbanistiques, l’œuvre de Marville est contemporaine des aménagements imposés par le préfet Haussmann. À la demande de la Ville, il photographie, à partir de 1865, ce qui va disparaître dans le tissu urbain, avec un point de vue de perspectiviste et de déambulateur dans le dédale des rues qui laisseront la place à des avenues. Les travaux de percement et déblaiement, les parcs nouvellement créés, et le mobilier urbain (lampadaires, kiosques, pissotières) forment aussi le meilleur d’une œuvre précise et construite, typique du professionnalisme second Empire.
Walker Evans, considéré comme le gourou de la photographie américaine dans les années cinquante, après la disparition de Stieglitz, a surtout photographié dans les villes américaines (et aussi à La Havane, en 1932), de sorte que, quel que soit le sujet, les gens ou l’architecture, la circulation ou les monuments, c’est toujours la spécificité de l’espace urbain qui est en cause et la place que peuvent s’y donner les hommes. La leçon sera reçue par Frank, Friedlander... 150 tirages d’époque sont présentés au Centre national de la photographie. On complétera utilement par l’exposition Berenice Abbott, New York, 1930 (FNAC Montparnasse, 8 novembre – 21 janvier), consœur d’Evans qui vécut un temps à Paris (et nous ravit les œuvres d’Atget, aujourd’hui au MoMA), ainsi que par les photos de sculptures africaines du MoMA par Evans (1935), à la galerie Alain Paviot, jusqu’au 17 décembre.
Le grand photographe du siècle
Kertész apparaît de plus en plus comme le grand photographe du siècle, d’autant qu’il fut rarement sur le devant de la scène, tout en construisant quelque chose d’essentiel. Pas tout à fait photojournaliste, bien qu’il ait beaucoup publié dans la presse, pas vraiment photographe de mode ou de rue, Kertész est tout à la fois, la figure protéiforme du photographe, inventant des genres à la demande, et maintenant ses exigences d’homme indépendant fidèle à une idée intérieure de ce qu’est la photographie, suivie depuis ses débuts dans sa Hongrie natale. La sélection (malheureusement en tirages modernes) porte sur l’ensemble de son œuvre, dont les négatifs firent l’objet de sa donation à l’État français en 1984. Une monographie de 360 pages est publiée par Le Seuil.
On attend aussi avec curiosité les 40 photographies de Strindberg, qui avait une conception très ésotérique de ce "médium" : autoportraits au flash, célestographies (images du ciel étoilé), photos de nuages, et portraits psychologiques au sténopé. De quoi rafraîchir les conventions trop bien ancrées.
"Charles Marville en son temps", Bibliothèque historique de la Ville de Paris, du 19 novembre au 31 décembre, "Charles Marville et le quartier de l’Opéra", Crédit foncier de France, du 18 novembre au 23 décembre.
"Walker Evans et la ville", Centre national de la photographie, jusqu’au 5 décembre.
"André Kertész, le double d’une vie", Pavillon des arts, jusqu’au 29 janvier.
"Strindberg et la photographie", Centre culturel suédois, du 10 novembre au 11 décembre.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les expositions majeures : Marville, Evans, Kertész, Strindberg
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°8 du 1 novembre 1994, avec le titre suivant : Les expositions majeures : Marville, Evans, Kertész, Strindberg