Saint-Paul-de-Vence (06)

Les énigmes de Garouste

Fondation Maeght Jusqu’au 29 novembre 2015

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 26 août 2015 - 340 mots

Il est rare de pouvoir écrire, à propos d’une exposition réunissant plus de soixante-dix peintures, une quinzaine de sculptures et de nombreux dessins, que chaque œuvre y apparaît comme une singulière énigme.

Une énigme d’autant plus paradoxale que le premier regard porté sur ces œuvres décrypte immédiatement des formes reconnaissables – humains, animaux, végétaux, sols, ciels, accessoires… – peintes avec une dextérité doublée d’une incroyable liberté. Gérard Garouste (né en 1946) est un peintre résolument figuratif, mais rien, sur ses papiers et sur ses toiles, n’apparaît jamais à sa place habituelle ou prévisible. Une tête peut émerger d’un pantalon au niveau du genou tandis que trois mains agitées, appartenant en apparence au même personnage, tiennent des cierges allumés dans un lieu visiblement religieux (Chartres, 2008). Grand lecteur de Cervantes, de Rabelais, de la Bible et du Talmud, l’artiste joue des métaphores et de l’ironie, contrecarrant avec malice les habitudes visuelles et les codes iconographiques. « Je mets en scène des histoires, la peinture les fait ensuite voyager, elle les dépose sur d’autres rétines que la mienne, réveille d’autres mémoires, d’autres morts, d’autres questions. Sa destinée est d’être regardée, de résonner, de s’émanciper, de s’éloigner du sujet dont elle est issue. » Allant de surprises en perplexité en parcourant les dix salles de la Fondation Maeght, il ne faut pas craindre d’appréhender chaque vision proposée par Garouste comme celle d’un rêve possible absolument neuf et personnel. Le réel ne serait-il pas tout simplement ce que nous pouvons réinventer à chaque instant, comme une ouverture vers d’autres possibles. Cette exposition « rétrospective », qui insiste tout de même sur les peintures et les sculptures des dernières années, apporte une convaincante démonstration que la peinture à l’huile sur toile peut être en 2015 d’une radicale modernité, si modernité signifie regard renouvelé, acéré et critique sur l’homme et le monde d’aujourd’hui. À une époque où les référentiels sont en constante évolution, Garouste apparaît ici comme un artiste engagé à déjouer les apparences. Chaque toile est un défi à réagir et à tenter de réinventer une autre réalité, subjective.

Gérard Garouste, « En chemin » Fondation Maeght,623, chemin des Gardettes, Saint-Paul-de-Vence (06), www.fondation-maeght.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°682 du 1 septembre 2015, avec le titre suivant : Les énigmes de Garouste

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