Dans le cadre des “Janviers en Bourgogne”?, Jean-Charles Blais expose pour la première fois des créations numériques qui ouvrent de nouveaux champs dans son travail.
CHALON-SUR-SAÔNE - Œuvres sans début ni fin, animées et parfaitement silencieuses, comment nommer les créations numériques que Jean-Charles Blais montre pour la première fois en France, à l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône ? L’artiste avoue lui-même son embarras : “J’ai un problème de vocabulaire parce que beaucoup d’objets sont répertoriés dans l’art. ‘Tableaux’, ‘sculpture’, ‘vidéo’ ne conviennent pas... Je ne fais pas du ‘cinéma’ même si ça bouge. J’utilise des codes picturaux mais ce ne sont pas des ‘tableaux’. Le plus simple serait de dire que ce sont des dessins ‘animés’ mais le terme de ‘choses’ est celui que j’emploie par défaut. Ce sont des ‘images non identifiées’ qui sont diffusées et projetées.”
Ainsi placées à la lumière ambiante des salles d’exposition, les œuvres de cette “Double Vue” n’affichent pas le caractère narratif et spectaculaire des vidéos. Elles adoptent plutôt une forme de tableaux ou de dessins libres aux formats et à l’usage multiples : le contour supposé d’un visage est soumis à des distorsions lentes, à mesure qu’une nouvelle génération de tracés multiples se duplique pour revenir, après quelques échappées, à la ligne générique de l’orbe unique ; des découpes de lumière blanche viennent, par superposition, dans un rythme très lent, dessiner sur un mur la figure floue et flottante d’un spectre ; alors que sur des écrans de télévision, une paire d’yeux blancs s’agrandit jusqu’à l’abstraction – un coup d’œil que Jean-Charles Blais définit avec humour “comme le passage de Mickey à Ellsworth Kelly”.
Ces images stockées sur DVD ne sont pas apparues accidentellement dans le parcours de l’artiste : “J’ai utilisé il y a quelques années l’ordinateur et le scanner essentiellement dans un simple but de duplication pratique, pour recourir à l’impression numérique avec des sources de même nature.” Après les récents dessins sur calques, patrons de vêtements et robes imprimées sur caoutchouc, la tentation d’une dématérialisation semble davantage encore faire s’évaporer le sujet d’une peinture. À ces déclinaisons de la figure humaine – qui reste le point d’attache du travail de Jean-Charles Blais –, répond sans aucun doute la lente altération d’un support traditionnel. Si la toile, le papier, le calque ou le tissu n’ont plus de rôle à jouer pour faire exister ses formes, l’image numérique offre un “minimum de peinture” qui bouge un peu, se réduit aux valeurs du noir et du blanc, passe de la lumière à l’absence de lumière. Sans temporalité, elle s’anime d’un souffle répétitif ou aléatoire, lente respiration de veille en perpétuelle transformation. Le passage au numérique permet à Jean-Charles Blais la forme expressive d’une animation a minima cistercienne. Elle vient aussi nourrir une spéculation : la présentation et la “dégustation” d’une œuvre ne sont plus forcément décidées par l’artiste lui-même. La création peut revêtir un aspect monumental ou confidentiel, se cloner en réseaux ou être téléchargeable sur un site de création numérique (art-netart.com). C’est une manière indubitable et espiègle de troubler la relation, y compris à la valeur marchande, du public à l’œuvre d’art.
- DOUBLE VUE DE JEAN-CHARLES BLAIS, dans le cadre des “Janviers en Bourgogne”?, jusqu’au 28 mars, Espace des Arts, Chalon-sur-Saône, tél. 03 85 42 52 00, tlj sf mardi, 14h-18h30.
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Les dessins animés de Jean-Charles Blais
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°143 du 22 février 2002, avec le titre suivant : Les dessins animés de Jean-Charles Blais