Lausanne consacre une émouvante rétrospective à cette « classique » de l’art brut, mue par des forces invisibles.
Lausanne. Elle vivait entourée de fleurs (fraîches et artificielles), prenait plaisir à lire des ouvrages de botanique. Mais ce n’est qu’au début des années 1960, à l’orée de la cinquantaine, qu’elle a planté, sur le papier, ses propres fleurs insolites, fantastiques, extraterrestres parfois, et laissé s’épanouir son langage pictural singulier. Vingt-sept ans après la première rétrospective que lui consacra le Musée des beaux-arts de la ville de Cheb (République tchèque), la Collection de l’Art brut célèbre la Tchèque Anna Zemankova (1908-1986). L’institution de Lausanne a réuni un étonnant ensemble de 130 dessins issus de son propre fonds et de la collection familiale. On y retrouve ses formes hybrides mi-végétales mi-animales des années 1960. Des feuilles empreintes de tensions entre principes féminins et traits masculins. Un univers parfois vénéneux, voire dangereux. Puis vient sa période dramatique dans laquelle des flammes semblent s’échapper de noyaux incandescents. Ses répétitions sérielles d’un même motif créent une impression de vibration continue. Ses formes agressives s’arrondissent et disparaissent. Les rythmes s’apaisent soudain. Bienvenu dans le petit monde des amibes et autres anémones de mer flottant dans l’espace maritime.
Les forces magnétiques d’un monde parallèle
Tout au long de ses vingt-cinq années de création, l’artiste n’a cessé d’expérimenter et de se renouveler. « Avec les années, elle a développé une technique innovante dans laquelle elle mélange le crayon, l’encre, le pastel, la perforation, le collage, le découpage, le gaufrage ou encore la broderie », observe Pascale Jeanneret. La co-commissaire de la rétrospective explique qu’Anna Zemankova se mettait rituellement à dessiner vers 4 heures du matin, de façon à « capter les forces magnétiques émanant d’un monde parallèle ». Comment venait l’inspiration ? L’artiste évoque « un grand point d’interrogation », « une sorte de sentiment profond, quelque chose qui vient de l’intérieur ».
Montrée dans les années 1960 essentiellement en Tchécoslovaquie, Anna Zemankova a commencé à percer sur la scène internationale après l’exposition « Outsiders » organisée en 1979 par Roger Cardinal à la Hayward Gallery de Londres. Elle est alors entrée dans plusieurs grandes collections internationales parmi lesquelles Abcd et le Museum of everything. Côté galeries, le new-yorkais Cavin-Morris l’a exposée à de nombreuses reprises. À Paris, le galeriste Christian Berst l’a montrée en 2013, avant sa consécration à l’Exposition internationale de la 55e Biennale de Venise.
À la fin de sa vie, l’activité créatrice d’Anna Zemankova s’imbriquait dans sa vie quotidienne. « Elle transforma son dernier appartement praguois, dans le quartier de Nusle, en une chambre de conte de fées, en une “bulle irisée”, dans laquelle elle s’était réfugiée et mise à l’abri, vingt-cinq ans auparavant », explique sa petite-fille Terezie Zemankova, qui est l’autre commissaire de l’exposition.
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Les cosmologies d’Anna Zemankova
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Abonnez-vous dès 1 €Anna Zemankova, Sans titre, entre 1975 et 1980, stylo à bille, crayon de couleur et gouache, collage et broderie sur papier, 62,6 x 45 cm, Photo : Marie Humair, (AN) - Collection de l’Art Brut, Lausanne
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°483 du 7 juillet 2017, avec le titre suivant : Les cosmologies d’Anna Zemankova