Modèle d’Aristide Maillol (1861-1944), Dina Vierny posa aussi pour Pierre Bonnard – grand ami du peintre et sculpteur – lors de son séjour au Cannet, en 1941. La Fondation Dina Vierny, au Musée Maillol, rend un nouvel hommage à l’artiste, à travers une soixantaine d’œuvres, de sa période nabi à la Seconde Guerre mondiale. Quelques photos prises dans son atelier, des cartes postales ou la correspondance avec ses amis, notamment Claude Monet, complètent la rétrospective.
PARIS - Après l’avoir fait poser pour Matisse, Maillol envoie son modèle, Dina Vierny, chez son ami Bonnard qui réalise alors le Nu sombre (1941-1946), figure pensive animée de tons orangés. Le travail sur la carnation du personnage contraste avec la luminosité des nus antérieurs. Dina Vierny se remémore les premières séances de pose dans l’atelier du peintre : “Je ne me souviens plus comment j’ai engagé la conversation sur son silence chronique, probablement en l’agressant. Soudain, il se mit à parler et ce qu’il dit était si beau, si poétique, si naïf, que j’ai commencé avec lui des entretiens qui ont duré le temps de mon séjour au Cannet et qui nous ont rendus amis pour la vie.” L’exposition est l’occasion de retrouver le Bonnard nabi intégrant l’art à la vie par des applications décoratives, mais aussi le peintre de l’entre-deux-guerres, en marge des grands courants artistiques de l’époque. Des toiles telles Nu couché, bras levé (1898) et Jeune Femme décolletée (1894), toutes deux provenant de collections particulières, nous révèlent un artiste plein d’humour faisant de deux figures féminines des personnages narquois et moqueurs aux attitudes ironiques. En 1906, il exécute Le Plaisir – dont la composition rappelle celle du Bonheur (1905-1906) d’Henri Matisse – à la demande de Misia Sert, égérie des nabis et des membres de la Revue blanche, qui souhaitait une œuvre alliant le présent et le passé. C’est la dernière grande composition de Bonnard appartenant à des particuliers ; le Musée d’Orsay y avait finalement renoncé après l’acquisition de son pendant, Jeux d’eau, en 1996. La toile conte quelques heures de grâce en Arcadie, pays du bonheur parfait depuis l’Antiquité, peuplé d’enfants, de jeunes filles sveltes s’amusant au milieu d’une végétation luxuriante. Quelques autoportraits comme celui de 1938-1939 nous montrent un Bonnard plus sombre, un personnage dégarni aux petites lunettes rondes, usé par le temps.
Une œuvre empreinte de mystère
Bonnard a tenté d’appréhender le mystère qui émane des êtres et des choses. Les intérieurs bourgeois s’illuminent ainsi de tons mordorés (La Fenêtre ouverte, 1919), les attitudes les plus banales se chargent de mystère (Jeune Fille étendue, 1921), les paysages ruissellent de couleurs vives (Le Grand-Lemps, 1894). Rejetant l’attitude descriptive des impressionnistes, le peintre cherche à “montrer ce qu’on voit quand on pénètre soudain dans une pièce d’un seul coup”. Peu à peu sa palette s’enrichit de tons plus vifs, son œuvre s’oriente vers une recherche chromatique associée à une vision mobile, rapprochant du regard ce que la perspective classique tenait éloigné. Certaines de ses dernières compositions se trouvent à la lisière de l’abstraction, comme le Paysage du Cannet au toit rouge (1945-1946) où l’ordonnance des couleurs relève plus d’une composition non-figurative que de la représentation du réel.
- PIERRE BONNARD (1867-1947), jusqu’au 9 octobre, Fondation Dina Vierny - Musée Maillol, 59-61 rue de Grenelle - 75007 Paris, tél. 01 42 22 59 58, tlj sauf mardis, 11h-18h, nocturne jeudi jusqu’à 21h. Catalogue 102 p., 150 F.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les copains d’abord
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°109 du 25 août 2000, avec le titre suivant : Les copains d’abord