Mobilier urbain, production industrielle et série d’Écrans : le travail des frères designers est exposé dans quatre lieux d’art contemporain de la capitale bretonne.
RENNES - Après le Centre Pompidou-Metz en 2011-2012, et quelques autres musées à travers la planète, le monde de l’art consacre une nouvelle fois les designers Ronan et Erwan Bouroullec avec cette exposition quadripartite déployée à Rennes, à la fois au Frac (Fonds régional d’art contemporain) Bretagne, aux Champs Libres et au Parlement de Bretagne. Une sorte de retour aux sources aussi pour les deux frères nés à Quimper, respectivement en 1971 et en 1976. Sans doute n’en fallait-il pas moins – 2 000 mètres carrés, une scénographie impeccable – pour évoquer deux décennies d’activité et dévoiler les recherches les plus récentes.
Aux Champs Libres sont exhibées, pour la première fois, une vingtaine de projets d’aménagement urbain sous la forme de maquettes de grand format, intitulées « Rêveries urbaines ». « Nous voulions faire quelque chose de très didactique à travers des maquettes qui sont comme des petites scènes de théâtre », explique Ronan Bouroullec. On y trouve des « kiosques », des plateformes qui tournicotent sur elles-mêmes tels des carrousels, des parasols végétalisés juchés sur de hauts mâts, des pergolas genre hamac ondulant ou ajourées, projetant au sol des ombres appuyées. Il y a aussi des fontaines comme cette « gouttière » géante un brin japonisante sur laquelle l’eau coule en continu. Ces installations paraissent immenses : « Effectivement, l’échelle est monumentale, confirme Ronan Bouroullec, mais il s’agit surtout de montrer des principes. » Certains d’entre eux affichent un côté très « primitif », qui n’est pas sans rappeler l’œuvre du designer italien Andrea Branzi. Parfois les bancs sont de simples troncs d’arbre. Un « kiosque » offre, lui, un foyer avec un feu ouvert, pour s’y réchauffer. Le végétal aussi joue le jeu et colonise les diverses structures façon « jungle », dessinant un paysage quasi enchanté. « À Noël dernier, raconte Ronan Bouroullec, j’étais dans une petite ville du sud de la Sicile : Modica. Je me souviens d’une horloge démesurée, de la beauté d’une fontaine. La cité a tout à gagner à recréer davantage de merveilles et de sensualité, une forme d’enchantement. » Deux villes déjà ont demandé au tandem de réfléchir sur des aménagements urbains : Miami et Aarhus, au Danemark. À Rennes, les visiteurs découvriront leur « mobilier nomade », un kiosque en acier doté de baies vitrées. Installé dans une cour du Parlement de Bretagne, il se monte, paraît-il, en trois heures ; il peut être logé dans un semi-remorque et « posé » quasiment n’importe où « par simple contact », selon Erwan Bouroullec.
Partition de l'espace
Au Frac Bretagne, la grande galerie présente « 17 Screens ». Il n’y a en réalité que 16 écrans. La raison ? « Le dernier, en verre, très fragile, s’est brisé quinze jours avant l’accrochage au Tel Aviv Museum of Art, en Israël, où ce travail a été montré pour la première fois », relate Ronan Bouroullec. La recherche reste néanmoins séduisante. On sait les Bouroullec passionnés par cet exercice de partition de l’espace. Ils le firent jadis de manière légère avec les éléments de plastique Algues (Vitra) ou, récemment, de façon plus opacifiante avec les modules en textile Clouds (Kvadrat), en utilisant les contraintes de l’industrie. Cette fois, ils expérimentent les matériaux et les mixent avec une joyeuse liberté : noyer, ruban de soie, verre soufflé, céramique émaillée, polyester brodé, aluminium anodisé… Lesdits écrans dessinent dans l’espace des parois très graphiques, vulnérables ou tangibles. Point n’est besoin d’y disposer des meubles pour engendrer une ambiance plus domestique. Le travail, remarquable, se suffit à lui-même.
Toujours au Frac Bretagne, mais un étage plus bas, un panorama de la vaste production dite « industrielle » des frères Bouroullec est présenté dans l’exposition baptisée « Rétrospective », à travers une centaine d’objets et de meubles, de la chaise Hole (Cappellini) au tabouret Osso (Mattiazzi), du service en céramique Aïo (Habitat) au téléviseur Serif (Samsung). Histoire de connaître son Bouroullec sur le bout des doigts.
Commissaires des expositions : Catherine Elkar, directrice du Frac Bretagne ; Roland Thomas, directeur des Champs Libres ; David Perreau, commissaire d’exposition associé
Scénographie : Studio Bouroullec
Jusqu’au 28 août à Rennes, RÉTROSPECTIVE et 17 SCREENS au Frac Bretagne (19, av. André-Mussat), RÊVERIES URBAINES aux Champs Libres (10, cours des Alliés) ; KIOSQUE au Parlement de Bretagne (place du Parlement de Bretagne), jours et heures d’ouverture variables selon les lieux, consulter le site www.bouroullec.com/rennes
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°457 du 13 mai 2016, avec le titre suivant : Les Bouroullec se mettent en quatre