XXE SIÈCLE

Les bonnes feuilles de l’atelier de gravure de Stanley W. Hayter

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 17 mars 2021 - 408 mots

Les techniques novatrices du graveur épousent les évolutions de l’histoire de l’art de la première moitié du XXe siècle.
Rennes. Joliment nommée, l’exposition « Hayter et l’atelier du monde », sous le commissariat de Laurence Imbernon et Zoé Marty, suit l’histoire d’un maître en gravure dont la carrière apparaît comme le sismographe de la géopolitique mondiale entre 1927 et 1964. Né en Angleterre, Stanley William Hayter fonde en 1927 à Paris un atelier de gravure où se donnent rendez-vous d’innombrables artistes, certains illustres – Picasso, Miró, Tanguy, Masson – d’autres moins connus, issus de différentes générations. En 1939, c’est à New York que l’atelier s’installe, attirant les surréalistes européens en exil. De retour en France en 1950, Hayter y poursuit ses activités jusqu’en 1964. Il est probable que ce va-et-vient entre les continents soit la cause de la petite notoriété de celui qui a révolutionné les techniques de la gravure. En effet, ses recherches aboutissent à « une méthode d’impression simultanée des couleurs en un seul passage : la technique des viscosités », écrivent Anne Béchard-Léauté et Laurence Tuot, ajoutant : « [l’artiste] en inventant de nouveaux gestes pour la gravure en couleur, ouvre la voie à une approche surréaliste de ce médium, à contre-courant de toute tradition […], permettant [aux graveurs] d’acquérir la spontanéité du peintre » (Interfaces, no 39, 2018).

Le sous-titre de la manifestation rennaise, « Entre surréalisme et abstraction », rend compte de la place essentielle de la gravure chez les créateurs appartenant à l’une ou l’autre de ces mouvances, surtout au moment de la naissance de l’expressionnisme abstrait aux États-Unis. Comme le dessin, la gravure encourage l’expérimentation, qui aura un impact sur la peinture. En témoigne une œuvre de Jackson Pollock (Sans titre, 1944), réalisée à l’Atelier 17, un dédale foisonnant aux rythmes tournoyants mais où l’on devine encore des fragments de corps flottants.
Dynamisme et transparences
Le parcours, chronologique, présente quelques ensembles thématiques. Le plus séduisant est celui qui traite l’animal avec, entre autres, le très beau Gnou II (1937) par le Polonais Joseph Hecht. Dans l’impossibilité de mentionner les quelque soixante-dix artistes, parmi lesquels un nombre important de femmes, telles Maria Helena Vieira da Silva, Louise Bourgeois, Dalla Husband ou Anita Heiman, dont les œuvres sont ici présentées, terminons par les travaux de Hayter lui-même. Curieusement, autant ses gravures s’imposent par leur dynamisme et leurs transparences, autant ses tableaux, aux tonalités criardes, accusent une certaine lourdeur. Manifestement, le maître de la gravure colorée n’était pas vraiment fait pour la peinture.
Hayter et l’atelier du monde. Entre surréalisme et abstraction,
jusqu’au 23 mai, Musée des beaux-arts, 20, quai Émile-Zola, 35000 Rennes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°563 du 19 mars 2021, avec le titre suivant : Les bonnes feuilles de l’atelier de gravure de Stanley W. Hayter

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