Contrairement à leurs homologues françaises qui ne soutiennent qu’au coup par coup la publication d’ouvrages, certaines banques belges, Crédit communal et Paribas en tête, se sont depuis longtemps engagées dans une importante politique d’édition d’art. Si le Crédit communal a restreint son action, Paribas poursuit ses engagements avec le Fonds Mercator.
Il y a un an encore, l’essentiel de l’activité éditoriale belge en matière d’art – mais aussi d’histoire – était le fait du Crédit communal qui, fidèle à son implantation locale, entendait affirmer une présence permanente sur le terrain. La banque a mis fin à l’édition de CD musique et de publications historiques, et ne sort plus que douze ouvrages par an contre plus de soixante autrefois (chaque traduction, impérative pour le bilinguisme de Bruxelles, comptant pour un titre). La chute se révèle d’autant plus sévère qu’elle apparaît sans recours. Dans le domaine des monographies d’artistes belges des XIXe et XXe siècles, le Crédit communal était apparu comme un interlocuteur d’autant plus incontournable que nombre de musées avaient renoncé à leur mission de promotion d’un patrimoine parfois mal connu. Le changement de stratégie du Crédit communal se fera sentir en profondeur et l’une des premières victimes en sera la recherche scientifique, que la banque soutenait à travers ses expositions et ses publications.
Équilibre comptable
Cette mise en retrait met au premier plan l’action de Paribas à travers le Fonds Mercator. Filiale à 100 % de la banque, la maison d’édition constitue un des axes de la politique culturelle de Paribas, à côté des demeures historiques et de la collection d’art ancien, moderne et, subsidiairement, contemporain. Créée en 1965 à l’instigation de Maurice Naessens, elle produira d’abord pour la banque selon les enthousiasmes de son président, et le Fonds Mercator se fixera progressivement une politique éditoriale de plus en plus indépendante. Cette autonomie, annoncée comme totale dans la programmation, reste relative en termes de budget. Paribas n’est pas seulement cet acheteur privilégié (quelque 10 000 volumes par an) dont rêvent tous les éditeurs indépendants, elle impose au Fonds Mercator un équilibre comptable qui l’a obligé à chercher hors de la banque un appoint financier de plus en plus nécessaire pour publier ces volumineux ouvrages à l’iconographie abondante. Car les livres du Fonds Mercator se sont d’abord imposés sur le terrain des relations publiques et du cadeau d’affaires dont la banque avait besoin. Le tournant des années quatre-vingt a été marqué par une mutation. Dans un premier temps limité à des sujets d’intérêt national, le Fonds Mercator s’est ouvert au domaine européen avec des titres comme François Ier ou Seurat. Paru largement après les manifestations commémoratives de 1991, handicapé par un prix prohibitif, ce dernier n’a pas rencontré le succès que méritait un texte pourtant très riche.
Cet échec a été en soi révélateur d’un changement de stratégie. Outre ces “pavés” qui ne sont rentables que si le sujet est porteur d’un public suffisant ou si un sponsor prend en charge l’essentiel des coûts de fabrication, le Fonds Mercator a développé une ligne éditoriale plus légère, avec un format moindre et 280 pages au lieu des 500 rituelles. Cette évolution permet de développer des sujets originaux, comme Les désastres des restaurations d’œuvres à travers le temps ou l’histoire des instruments de médecine à travers une collection universitaire. Ainsi, d’éditeur exclusif d’une banque, le Fonds Mercator est peu à peu devenu un éditeur à part entière. Dans la programmation, les sujets nationaux voisinent avec ceux de portée européenne. Les voies empruntées restent celles de l’histoire et de l’art au sens large. Avec plus de trente ans d’expérience, la maison a acquis sa réputation. Elle n’est cependant pas arrivée au terme de ses mutations. Sa programmation, décidée par la maison d’édition et soumise au comité de direction de la banque, devra peut-être bientôt répondre aux changements qui s’annoncent au sein de Paribas avec l’apparition d’un nouvel actionnaire majoritaire. Devenue société-sœur de la BACOB au sein du groupe ARCO/BACOB, Paribas ne changera pas seulement de nom, elle changera de stratégie et, à travers elle, le Fonds Mercator. Lorsqu’on connaît l’intérêt de la BACOB pour l’architecture et pour la création contemporaine, nul ne s’en plaindra.
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Les banques et l’édition d’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°49 du 5 décembre 1997, avec le titre suivant : Les banques et l’édition d’art