TOURS
Considérer le vide comme un espace de réflexion et la matière comme une somme d’informations, c’est ce à quoi invite la dernière installation d’Alicja Kwade, sculptrice métaphysique.
Depuis sa participation à la Biennale de Venise en 2017, l’artiste d’origine polonaise, qui vit et travaille à Berlin, a exposé dans de nombreux pays. Mais il s’agit ici de sa première exposition dans une institution française. Étape importante à laquelle sa galerie, kamel mennour, a contribué en doublant le budget de production du CCC OD. L’œuvre se veut donc emblématique. Sculptures en bronze de tronc d’arbre « d’après nature », perspectives dédoublées par de hauts miroirs et dessinées par de fins cadres noirs, décompte sonore d’une horloge martelant l’écoulement du temps : les éléments présents rappellent ses précédentes installations. Réglé « au millimètre », le dispositif, monumental, a la précision d’une architecture tout en conservant la liberté d’interprétation du rêve. Immersif, il est fait pour être physiquement arpenté afin que le visiteur perçoive en se déplaçant la relativité de l’espace et des images qui se dérobent, tout comme la porosité des frontières entre culture et nature. Alicja Kwade se nourrit de littérature scientifique ; ses suites de sculptures évoquent celles, arithmétiques, de Fibonacci, d’autres y verront un écho lointain des Correspondances baudelairiennes. Ouvert à la déambulation, cet univers n’en offre pas moins une résistance secrète.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Les apories minérales d’Alicja Kwade