Les galeristes Jacques de Vos et Michel Zlotowski ont choisi de faire redécouvrir la première partie de l’œuvre de Jean Lurçat. Plus connu pour ses tapisseries des années 1950 et 1960, notamment le Chant du Monde exposé à Angers, l’artiste s’était auparavant consacré à la peinture ou à l’aquarelle dans un style initialement influencé par le cubisme et empreint d’une gravité croissante témoignant d’une sensibilité particulière aux conflits du XXe siècle.
Le style de Jean Lurçat s’épanouit réellement à partir de 1921, date à laquelle il rencontre Pierre Chareau, Max Jacob et Louis Marcoussis. Ce dernier aura une influence importante sur son travail, notamment dans les natures mortes que l’artiste multiplie jusqu’en 1924 et qui se caractérisent par une réduction des motifs, une schématisation des formes et un choix de couleurs compartimentées et posées en aplat. Lurçat s’attelle ensuite à la représentation de portraits souvent définis là encore par un hiératisme sculptural et une position frontale. Puis s’empare de lui ce que les critiques ont nommé « la fièvre orientaliste » ou la passion des voyages qui lui font découvrir la Méditerranée et l’Afrique du Nord. La lumière éclate, les toiles rayonnent et le dessin s’orne de larges arabesques, tout en étant rigoureusement construit. Mais son œuvre s’assombrit en 1928 où Lurçat réalise des séries de paysages lugubres, des marines agitées aux ciels lourds et menaçants. Il commence à avoir des doutes sur la nécessité de peindre. Peu à peu, ses paysages représentent des hommes égarés et isolés, dans une veine métaphysique. Les formes s’allongent et les ombres s’épaississent. Politiquement proche d’Aragon, Lurçat estimait que l’homme était maître de sa vie par son travail et a consacré ses derniers portraits au monde des paysans et des pêcheurs. Puis l’angoisse le submerge et il renonce à l’huile en 1939, après avoir réalisé environ six cent cinquante toiles. Il expliqua qu’il n’y trouvait plus « cette espèce de sens ouvrier des matières » et se consacrera désormais à la tapisserie. Une soixantaine de pièces, réparties entre peintures à l’huile et œuvres sur papier, sont présentées dans les deux galeries. Jacques de Vos y a adjoint du mobilier des membres de l’UAM, notamment ceux d’Eileen Gray, Francis Jourdain, Le Corbusier, Charlotte Perriand ou Robert Mallet-Stevens, permettant d’admirer les œuvres dans le contexte décoratif de leur époque.
« Jean Lurçat », PARIS, galerie Jacques de Vos, 7 rue Bonaparte, tél. 01 43 29 88 94 et galerie Zlotowski, 20 rue de Seine, tél. 01 43 26 93 94, VIe, 16 septembre-30 octobre.
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Les années Lumière de Jean Lurçat
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°561 du 1 septembre 2004, avec le titre suivant : Les années Lumière de Jean Lurçat