Contrairement à la guerre, sur laquelle les documents abondent, représenter la paix s’avère complexe et malaisé, comme si elle allait de soi et n’avait pas besoin de témoignages ou de documents.
Centrée sur la courte période qui va de l’armistice du 11 novembre 1918 à la signature du traité de Versailles, le 28 juin 1919, cette exposition vise à redonner leur place à ceux qui ont œuvré dans l’ombre pour que la paix ne reste pas un simple mot : les géographes, juristes, économistes, ethnologues et interprètes. Derrière la scène occupée par les dirigeants des quatre grands pays alliés réunis autour du charismatique Woodrow Wilson, ce sont eux qui, en coulisses, firent en sorte que les négociations politiques et la diplomatie, séduisante sur le papier, mais restant théorique, s’appuient sur des réalités concrètes et durables. Point sensible s’il en est, le tracé des frontières, parfois arbitraire et s’efforçant autant que possible de tenir compte des aspirations des peuples. Jamais regroupées ainsi et rarement montrées, les pièces présentées – jumelles, compas, boussoles, cartes – rappellent que ces experts ont joué un rôle majeur en marge des honneurs. Pas moins de cinquante-deux commissions se sont réunies en vue de redéfinir le visage de l’Europe. Dans ce concert de langues, l’anglais progressivement s’imposera. De même, la reine de Roumanie, au rôle souvent oublié, a-t-elle pu intervenir au plus haut niveau auprès des responsables en faveur de son pays. Suivant un parcours équitablement divisé en trois parties, le visiteur peut voir des photos inédites, plusieurs portraits de Wilson vu sous des angles différents, un surprenant dessin au crayon rouge de Lloyd George exécuté pendant une conférence, des estampes, les fac-similés des journaux de l’époque comme Le Matin ou Le Miroir. Mobilisé en 1915, Raoul Dufy conçoit à la gouache une vaste esquisse pour célébrer la fin des hostilités. Entouré des drapeaux des pays alliés, son coq tout en plumes jaunes et au jabot vainqueur semble crier victoire.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°726 du 1 septembre 2019, avec le titre suivant : Les acteurs oubliés de la paix