« Archembault Douglas, qui estoit grant chevalier […] prist a son usaige une longue espee qui avoit bien d’allemelle II aulnes [environ 2,50 m de long] […] et en donnoit les coups si grans que tout ce qu’il acconsuivoit, il mettoit par terre », relate Froissart dans ses chroniques de la guerre franco-anglaise en 1369. Longueur de lame donne à l’épée son âme…
Dans cette exposition qui, la première, se consacre aux usages, aux mythes et aux symboles de l’épée, sans se limiter à la présentation d’objets précieux, Michel Huynh, son commissaire, a voulu à la fois détruire les préjugés tenaces et montrer quelques-unes des valeurs symboliques de cet objet chevaleresque.
Ludique, le livret Sacré Moyen Âge ! Pour en finir avec les idées reçues qui accompagne l’exposition a d’ailleurs été conçu dans cet esprit. On y apprend qu’une épée, à l’instar de celle que le visiteur peut soulever durant le parcours, ne pèse jamais plus de 1,4 kg. Ailleurs, un film s’attaque à l’idée du combat interminable. En quelques secondes, le combattant doit appliquer le « principe du homard » en pénétrant sous la carapace de la cotte de maille pour transpercer le corps de son ennemi. Trois traités de combat médiévaux, sur le petit nombre existant, permettent d’appréhender la technique réelle des combats.
Peu d’objets portent autant de symboles que l’épée. Le visiteur peut ainsi admirer l’Ordo du sacre, livre de la cérémonie du sacre des rois de France, ouvrage exceptionnel ouvert à la page de la remise au roi de l’épée qui fait de lui le bras séculier de l’Église. Parmi les épées mythiques, sont réunies la « Joyeuse » de Charlemagne, l’épée de Jeanne d’Arc, associée au tableau de Dante Gabriele Rossetti Jeanne d’Arc embrassant l’épée de la délivrance, « Durandal » de Roland, grossièrement forgée et ayant la réputation de rendre les femmes fertiles…
À côté sont présentées des lames plus inattendues. Le visiteur découvre ainsi, auprès de la seule épée de femme guerrière connue, trouvée dans la tombe d’une femme ensevelie avec son armure (Helsinki), des petites épées de plomb médiévales et des épées… Playmobil, réalisées à plusieurs siècles d’intervalle dans le même type de moule bivalve. L’épée n’aurait donc pas perdu son attrait auprès des enfants, et des adultes restés enfants. Elle reste un adjuvant essentiel du héros dans les histoires de chevalerie, même si elle peut échouer à tuer un ennemi récalcitrant. En atteste la scène du combat d’Arthur et du chevalier noir, extraite de Monty Python: Sacré Graal (1975), qui utilise les mêmes ressorts dramatiques que l’histoire du chevalier Zifar, roman de chevalerie mi-sapientiel, mi-burlesque (dernier quart du XVe siècle). Une autre épée surprenante est cette épée touareg du XIXe siècle empruntée au Musée de l’armée, et dont la silhouette reprend celle d’une épée viking.
La fonction de mort de l’épée est finalement très secondaire : objet de mode et de technologie, où se condensent les échanges entre cultures (l’Orient et l’Occident, l’Extrême-Orient n’étant pas traité dans cette exposition), objet symbolique interchangeable avec une rose dans certaines cérémonies, l’épée est loin d’avoir perdu son pouvoir de fascination.
Musée national du Moyen Âge, 6 place Paul-Painlevé, Paris 5e, jusqu’au 26 septembre, www.musee-moyenage.fr
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L’épée dans l’âme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°637 du 1 juillet 2011, avec le titre suivant : L’épée dans l’âme