L’entreprise artistique de Gilles Mahé

Il y a deux ans, Gilles Mahé nous quittait. Son œuvre foisonnante, qualifiée d’« esthétique relationnelle » flirtait souvent avec l’idée de valeur. L’exposition du Frac, sous la responsabilité de Christophe Domino, se penche justement sur l’une des facettes de sa création ayant trait à l’économie. Le parcours d’« Une affaire de valeur » nous invite à revivre au travers de diverses œuvres, documents et projets, ses incursions dans le domaine fiduciaire et à mieux cerner le désinvolte personnage. Elle tente également de répondre à la question suivante : Comment faire revivre des œuvres qui étaient liées à la personnalité et à la présence de l’artiste ? Adoptant un positionnement ferme face à la spéculation sur les œuvres d’art, l’artiste avait créé Gilles Mahé & Associés S. A. dans le but d’assurer son indépendance vis-à-vis du marché conventionnel. « Vous pensez que spéculer sur la mort d’un artiste c’est dégueulasse ? Spéculez sur sa vie », lança-t-il. Avec « Art-Gens » au Centre Pompidou, il met en place un dispositif permettant aux visiteurs de réaliser des photocopies moyennant un pécule. Reproduction de billets, commerce illicite dans un espace public... Cette opération lui vaut d’être suspecté de produire de la fausse monnaie et d’être convoqué Quai des Orfèvres ! Les savoureuses dépositions laissées à la police sont bien entendu présentées dans l’exposition. Cette pièce est progressivement reconstituée grâce aux prêts consentis par les collectionneurs en possession des éléments de l’installation. Jonglant entre les valeurs économique et artistique, il en vient un jour à vendre 2000 F un billet de 50 F. Une spéculation qui avait certainement dû lui arracher un sourire ironique.