Le très pointu Museum für Gestaltung de Zurich, consacré aux arts décoratifs, présentait cet été \"Hüllen Fullen\", une exposition retraçant l’histoire du packaging, grâce à la donation au musée par Percy Wenger de son importante collection, qui couvre plus particulièrement la période 1950-1980.
ZURICH - Cette exposition montre que l’emballage révèle de manière très subtile l’évolution de nos comportements. Il conjugue au demeurant, via le graphisme, une certaine pensée esthétique à un réel sens pratique, par le biais du design. Pardon, de la stylique.
Dans une mise en scène très intelligente, jamais rébarbative, le musée se voyait donc transformé en supermarché (en Suisse, entendez Migros), ou en épicerie très fine. Sur des étagères réalisées à partir d’épaisses plaques de polystyrène, commençait alors une incroyable succession de paquets, boîtes, tubes, flacons, sachets, bouteilles…
Le rythme de l’exposition tenait surtout aux différentes méthodologies adoptées pour la classification. En introduction, une série de vitrines comparatives, tous produits confondus, présentait des emballages datant d’avant 1945 : verre, fer blanc et cartonnages aux couleurs éteintes. Puis venaient les années 60, où les formes deviennent moins anguleuses, où le contenu commence à figurer systématiquement sur l’emballage. Dans les années 70, surgit un véritable déferlement de couleurs.
Et enfin une vitrine actuelle, qui faisait curieusement moins sourire, était largement parsemée de dinosaures et autres Mickey. Ensuite pouvait être retracée l’histoire de produits de base, comme le lait, passant de la bouteille en verre au berlingot en carton et à la poche de plastique, pour finir dans l’actuel Tetra-Brik (qui date quand même de 1969).
Mais on pouvait retrouver du lait dans une vitrine "gadgets" où plusieurs boîtes de Davoser Milch (1986), rangées côte à côte, reconstituaient comme un puzzle un paysage alpestre, vache-châlet-neiges éternelles. Certaines vitrines regroupaient les produits par couleur, rappelant certaines installations de Fischli & Weiss ou Tony Cragg.
L’évolution très progressive d’une même marque, comme pour les paquets de lessive Persil, de 1907 à 1992, pouvait aussi se révéler tout à fait édifiante dans l’intégration des innovations technologiques sur le plan graphique. Une large place était consacrée aux produits pharmaceutiques où les recherches sont purement graphiques, puisque le consommateur ne choisit pas le produit, ni ne doit le différencier. à cette exception près, certainement l’une des plus belles pièces de la collection Wenger : une boîte de Pertofran, dessinée en 1960 par Fred Baur.
Oblongue et blanche, elle contient un anti-dépresseur, et affiche un énorme boulet noir pendu à une chaîne de forçat. En détachant une languette de carton pour libérer la bouteille, le malade rompt du même geste la lourde chaîne !… Plus décevant, le rayon "cosmétiques" avec la gamme Nina Ricci, récemment dessinée par Garouste & Bonnetti – un peu toc ; ou la boîte du parfum pour homme Ricci Club, commandée à Sol LeWitt.
On aura saisi l’intérêt scientifique de cette exposition. Saviez-vous par exemple que le paquet de Gauloises, dessiné par Marcel Jacno, reste inchangé depuis 1936 ? Mais aussi sa portée sentimentale, puisque qu’avec cet univers quotidien, une foule de souvenirs refont surface. Avant le Mini Mir, avez-vous connu le Pour-tout, dans sa boîte cartonnée rouge ? On aura également perçu son caractère si noblement populaire, puisque le public est venu en nombre voir quelques curiosités, comme cette boîte en carton à monter soi-même pour faire voyager votre animal de compagnie sur les vols Swissair.
Cette exposition est à louer, et la collection Wenger devrait prochainement voyager en Europe. Il y a malheureusement peu de chances pour que nous la voyions à Paris, puisqu’elle ne figure pas au programme de la méga-exposition qui commencera à la Cité des Sciences et de l’Industrie, à la Villette, fin novembre1. Cette manifestation annonce déjà une "scénographie spectaculaire, sur 2000 m2", dotée de 70 écrans vidéos, etc..., mais sera davantage tournée sur les techniques de production liées au conditionnement, jusqu’au recyclage de ce qui reste, un surplus.
1 "Emballage", 22 novembre 1994 - 24 août 1995, Cité des Sciences et de l’Industrie, Paris.
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L’emballage helvète
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Abonnez-vous dès 1 €Museum für Gestaltung, Zurich, 28 mai-31 juillet. L’exposition est présentée en septembre à Francfort, Galerie im Karmeliter Kloster, Münzgasse 9. Un catalogue très fidèle à l’exposition est paru aux éditions Niggli AG, 48 FS.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : L’emballage helvète