Le Musée des beaux-arts de Nantes part à la découverte d’Edgard Maxence, artiste symboliste qui a choisi de ne pas vivre avec son époque.
NANTES (LOIRE-ATLANTIQUE) - On sait encore peu de chose sur Edgard Maxence (1871-1954). Peintre issu de la bourgeoisie nantaise, il a notamment fait ses classes auprès de Gustave Moreau qu’il adulait. En fervent catholique, il a suivi avec conviction les préceptes du symbolisme avant de s’assagir, autour de la Première Guerre mondiale, et de s’adonner aux portraits de commande des élites parisiennes et nantaises, aux natures mortes et aux paysages.Lauréat de la médaille d’or à l’Exposition universelle de 1900, officier de la Légion d’honneur en 1927, Maxence obtient sa plus grande reconnaissance lors de son élection à l’Institut de France, en 1924. Sur ce peintre de veine officielle fermement oublié, Cyrille Sciama, conservateur des collections XIXe au Musée des beaux-arts de Nantes, se penche depuis quelques années déjà. Avec cette première rétrospective, il démontre sans peine la capacité de Maxence à signer des toiles fulgurantes, lesquelles font oublier les portraits mondains d’intérêt moindre, qui fourmillent encore dans les demeures nantaises.
Parmi ces compositions, parfois aussi narratives que mystérieuses, citons Les Fleurs du lac (1900), œuvre achetée par un collectionneur parisien chez Sotheby’s à Londres en 2006, alors qu’elle aurait mérité d’intégrer une collection nationale ; L’Âme de la forêt (1898), dépôt de l’État au musée nantais ; la Femme à l’orchidée (1900), réalisée pour servir d’affiche publicitaire au cigarettier Job ; ou encore les deux pastels Portrait de jeune fille (Méditation ?) (v. 1905) et Jeune musicienne (v. 1911). Le velouté des chairs, la subtilité des nuances et la finesse des détails – notamment les effets de dentelle – révèlent un coloriste particulièrement à l’aise face à des modèles féminins. À l’exemple de Sérénité (1912), exception notable de la série médiocre de femmes à la prière, habilement réunie pour l’occasion dans le chœur de la chapelle de l’Oratoire, à côté du musée – signalons l’astucieuse scénographie habillant un espace difficile. Ici, la richesse intérieure du modèle est mise en valeur par la délicatesse avec laquelle Maxence façonne son visage. La transparence de la peau fait joliment écho à la translucidité du vitrail : un rayon de soleil teinté de bleu se pose doucement sur la tempe de la jeune femme, et celle-ci semble à peine s’en apercevoir.
Ainsi les personnages de Maxence se reconnaissent-ils aussi bien pour leur regard hypnotique que pour leur intériorité, la plupart du temps religieuse. Le peintre s’est en effet laissé emporter par sa foi chrétienne et il a complètement fait abstraction des révolutions esthétiques de son temps – par paresse ? dédain ? timidité ? conviction ? Cyrille Sciama tenait à dévoiler ce manque de perspective, qu’il attribue à la ténacité de Maxence à poursuivre son petit bonhomme de chemin, tout en assumant la piètre qualité d’un bon nombre d’œuvres de ce parcours bien équilibré. Une approche rafraîchissante à l’heure où les rétrospectives pêchent par hagiographie, comme "Renoir au XXe siècle", en octobre 2009 aux Galeries nationales du Grand Palais, à Paris. Avant de s’adonner à une étude plus précise, le conservateur compte sur cette exposition pour faire remonter à la surface des tableaux autres que les portraits mondains. Et faire une récolte tardive des dernières fleurs du symbolisme.
EDGARD MAXENCE, 1871-1954, LES DERNIERES FLEURS DU SYMBOLISME, jusqu'au 19 septembre, chapelle de l'Oratoire et Musée des beaux-arts de Nantes, 10, rue Georges-Clemenceau, tél. 02 51 17 45 00, www.nantes.fr, tlj sauf mardi 10h-18h, le jeudi 10h-20h. Catalogue, éd. Burozoïque, Montrouge, 164 p., ill. couleurs, 28 euros, ISBN 978-2-9171-3034-6
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Le symbolisme, la piété et les œillères
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaire : Cyrille Sciama, conservateur des collections XIXe au Musée des beaux-arts de Nantes
Scénographie : Silvio Crescoli
Œuvres : une cinquantaine issue des collections privées et publiques européennes
Itinérance : Musée de la Chartreuse, Douai, du 16 octobre au 17 janvier
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°327 du 11 juin 2010, avec le titre suivant : Le symbolisme, la piété et les œillères