Rien de moins ennuyeux que la peinture chinoise ancienne. Démonstration éblouissante au Victoria And Albert Museum de Londres.
LONDRES - À ceux qui craindraient de bailler devant d’interminables rouleaux brossés par d’obscurs artistes, l’on ne saurait trop conseiller de faire le voyage à Londres pour admirer, au Victoria and Albert Museum, l’une des plus belles expositions de ces dernières années consacrées à la peinture chinoise. Quelque 70 œuvres ont ainsi été soigneusement sélectionnées pour brosser ce vaste panorama de plus de mille ans de création. Afin de guider le visiteur occidental, le parcours sacrifie tout à la fois à un déroulé chronologique et thématique. Y sont ainsi abordés avec clarté les sujets obsessionnels chez les artistes de l’empire du Milieu : la dimension liturgique, le spectacle changeant de la nature et son cycle des saisons, la retraite spirituelle du moine et du lettré, la poursuite des joies de ce monde, la compétition avec les grands maîtres du passé.
Loin d’être rigide et cloisonné, le parcours prend vite des allures de promenade au cœur même de la création. L’œil vagabonde ainsi de ces longues bannières en soie collectées par l’explorateur français Paul Pelliot dans l’oasis bouddhique de Dunhuang à ce manuscrit constellé d’allégories de planètes, soit la plus ancienne peinture astronomique chinoise conservée à ce jour.
Mais bientôt, la peinture s’affirme comme état d’âme, le pinceau s’évertue à traduire les moindres battements du cœur et de l’esprit. Pratiquées par l’élite intellectuelle et sociale des lettrés, ces deux sœurs jumelles que sont la peinture et la calligraphie exigent une discipline de fer, s’apparentent à une ascèse spirituelle. Il n’est point étonnant que leur esthétique vise si souvent au dépouillement : ici une branche de bambou fouettée par le vent, là des cimes de montagnes cosmiques enveloppées de brumes et de nuages. Seul bémol, le grand Shitao (1642-1707) cher à l’historien de l’art François Cheng n’est représenté dans l’exposition que par une seule œuvre : sur ce rouleau long de plus de 2 mètres, l’ancien moine s’est figuré sous les traits d’un ermite, recroquevillé dans les anfractuosités d’un tronc d’arbre… Plus aimables – plus prosaïques aussi – apparaissent ces dames de la cour pratiquant, sous le pinceau du peintre Du Jin (1465-1509), la plus délicate forme de football qui nous soit connue.
L’exposition se clôt en apothéose avec ce splendide rouleau signé Xu Yang (1712-1779) qui emprunte à la peinture européenne l’art de la perspective pour décrire, avec moult détails, l’activité effervescente de la ville de Suzhou, à l’ombre de ses remparts. Soit un sens de la narration digne des plus grands travellings de cinéma !
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Le souffle et l’esprit
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 19 janvier 2014, Victoria & Albert Museum, Cromwell Road, Londres, tél. 49 20 7442 2000, tlj 10h-17h45, jusqu’à 22h le vendredi, www.vam.ac.uk.
Catalogue, éd.V&A, 360 p., 40 £ (env. 47 €).
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°401 du 15 novembre 2013, avec le titre suivant : Le souffle et l’esprit