Art contemporain

ART CONTEMPORAIN

Le recyclage dans l’art

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 16 septembre 2020 - 522 mots

L'ISLE-SUR-LA-SORGUE

La Fondation Villa Datris a réuni 89 artistes ayant pris l’objet du quotidien ou le rebut comme élément constitutif de l’œuvre.

L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse). Fidèle à son habitude, la Fondation Villa Datris traite un thème en phase avec un enjeu sociétal. Après les femmes artistes (« Sculptrices » en 2013), la nature ou encore l’animal dans l’art (« De nature en sculpture », 2017 ; « Bête de scène », 2019), c’est au recyclage artistique que s’intéresse aujourd’hui la fondation.

Le vaste « recyclage » auquel se livrent les créateurs contemporains n’est pas étranger au phénomène social et économique désigné par ce nom. Les tenants et les aboutissants en sont pourtant différents. La transformation dans le circuit économique reprend à son compte l’esthétique du lisse ; les déchets sont recomposés, reconstitués, afin que rien ne trahisse leur origine. À l’âge du nylon, la chimie a pris le relais de l’alchimie. Au même moment, les artistes commencent à se lancer dans la cueillette « sauvage ». À l’opposé du geste romantique, celui où le créateur se trouve face à la page blanche, ils font usage d’objets existants. Exit les matières nobles, place aux débris, aux résidus, aux laissés-pour-compte, aux déchets urbains. Le collage devient bricolage, jeu d’enfant filtré par l’imagination, un « recyclage à rebours » qui donne parfois aux musées des allures de de chantier. Le point de départ de ce processus – les assemblages – s’explique par la nature de ces derniers, faits d’agencements de matériaux hétéroclites, d’objets disparates qui modifient, parfois avec violence, les habitudes du spectateur. L’espace illusionniste disparaît définitivement, les composants conservent leurs volumes et forment des rencontres hétérogènes, des mélanges qui n’aspirent à aucune fusion mais où chaque élément garde sa spécificité.

Le parcours proposé à L’Ile-sur-la-Sorgue fait alterner des artistes mondialement connus et des découvertes. Aux côtés d’Arman et de sa Poubelle de 1964, où le chaos des matériaux se métamorphose en un nouvel ordre esthétique, Étienne Bossut propose sous le titre ironique de La Source (1983) une rencontre incongrue entre un arrosoir et un bidon. Moins convaincant est le travail de John Chamberlain, dont le modèle réduit, Wizard (2009), n’exprime pas la puissance habituelle à l’œuvre chez l’artiste américain.

Ailleurs, une magnifique œuvre de Tony Cragg transforme des objets en plastique, métal, plâtre, bois, céramique ou caoutchouc en une forme soigneusement agencée. Divisé en deux parties égales, repeintes pour l’une en noir, pour l’autre en blanc, l’ensemble forme des surfaces parfaitement homogènes, comme deux monochromes juxtaposés (Black and White Stack, 1980). Plus loin, sous l’étrange intitulé de °GREEMENT02tl-°TUIG02tl (2012-2018), Jeroen Frateur imagine une constellation flottante à la géométrie irrégulière. Œuvre réalisée à partir de morceaux de bois, de branches à peine retouchées, tressées ou collées qui sillonnent l’espace, se croisent ou se touchent ; une mécanique de haute précision perturbée par les mouvements organiques de la nature.

En toute logique, l’artiste se tourne enfin vers ses propres « déchets ». Absent de son atelier, Konrad Loder se voit remplacé par son matériel de peintre ou plutôt ce qu’il en reste (Iris, plan de travail, 2002-2012). Dispersés sur une table, des pots vides par dizaines portent encore les traces des couleurs. Autoportrait déguisé, allégorie de la peinture ou vanité recyclée ?

Recyclage, surcyclage,
jusqu’au 1er novembre, Fondation Villa Datris, 7, av. des Quatre-Orages, 84800 L’Isle-sur-la-Sorgue.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°551 du 18 septembre 2020, avec le titre suivant : Le recyclage dans l’art

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