Né en 1926, Fabio Mauri entame à partir de la fin des années 1950 un travail d’abord proche du Nouveau Réalisme, qui connaîtra plusieurs évolutions, absorbé dans une réflexion sur la circulation de la culture et des images. Au Fresnoy, Studio national des arts contemporains, une rétrospective aborde de nombreux aspects de cette œuvre qui fait une large place au cinéma, domaine amplement convoqué par Fabio Mauri dans ses peintures et installations.
TOURCOING - En 1975, à l’invitation de Fabio Mauri, Pier Paolo Pasolini retrouve ses images : quelques mois avant sa mort, le torse offert au projecteur, le cinéaste sert d’écran à l’Évangile selon saint Mathieu. Face à la lumière, il incarne son film. De la performance reste aujourd’hui la tenue alors endossée par Pasolini et sur laquelle les scènes du film défilent encore. Veste en jean et chemise blanche, le complet “ragazzo” du cinéaste prend des allures de relique, évoquant la possibilité d’un nouveau voile de Véronique : retour à l’envoyeur. Mais sinon, où finissent les images ? Cette interrogation plane tout au long de la rétrospective que consacre actuellement le Fresnoy, Studio national des arts contemporains (Tourcoing), à Fabio Mauri. Dès la fin des années 1950, après une activité dans l’édition, l’artiste italien croise nombre de trajectoires collectives de l’après-guerre, du Nouveau Réalisme à l’arte povera, sans que son œuvre ne se réduise à aucune. Car s’il a été un peu “pop” – en témoignent quelques collages du début des années 1960 (The Nursery News, 1960, avec son 45 tours ; Cassetto, 1959, et ses emballages de pates ou le Sinatra de 1964) –, Fabio Mauri, né en Italie en 1926, semble trop marqué par une biographie concomitante à la montée du fascisme pour se contenter de jouer avec la surconsommation des marques et des stars.
“Ils filment tout”, prévient-il par une inscription sous une photographie de Leni Riefenstahl en conclusion de son cycle Manipolazione di cultura (1971-1975). D’abord présentées sous la forme d’un portfolio, ces affiches s’accompagnent de photographies à l’iconographie nazie ou fasciste, d’un descriptif tautologique (“Ils brûlent des livres”, “Ils font un pique-nique”...) et d’un monochrome noir. Plus que l’image, ce sont ses médiums et ses modes d’apparition qui retiennent l’artiste. Sa Marilyn de 1964 a le visage barré d’un écran. Support de toutes les projections, et donc jamais vierge longtemps, ce dernier occupe ici une large place : Schermo (1958) découpe un écran dans le relief de la toile, Schermo verde (1961) et Drive in 2 (1962) poursuivent la même voie dans un vocabulaire géométrique très années cinquante tout en évoquant la mire de la télévision. Quant à Schermo con pubblico et Disegno schermo fine (1963), ce sont des abstractions développées à partir de représentations schématisées d’une salle de cinéma. Car, s’il n’a jamais passé le cap de la réalisation, Fabio Mauri aborde largement le septième art dans ses dimensions métaphoriques et physiques. En 1975, il l’use comme une figure de la contraction entre “l’esprit et le monde”. Son travail avec Pasolini en est un exemple, la série des “Senza ideologia” en fournit un autre. Alexandre Nevskji d’Eisenstein est projeté sur un seau de lait, Westfront de Pabst sur un ventilateur et Gertrud de Dreyer sur une balance. Finalement, cela ne pèse pas si lourd, les images...
Jusqu’au 27 avril, Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, 22 rue du Fresnoy, Tourcoing, tél. 03 20 28 38 00, tlj sauf mardi 14h-19h, dimanche et jours fériés 15h-19h, www.le-fresnoy.tm.fr. Catalogue, 112 p., 12 euros.
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Le poids des images
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°168 du 4 avril 2003, avec le titre suivant : Le poids des images