PARIS
Le Musée des beaux-arts de la Ville de Paris a sorti de ses réserves la moitié de ses pastels, offrant un panorama de la création de 1800 à 1930.
Paris. Son titre, « L’art du pastel de Degas à Redon », laisse penser que le Petit Palais expose un ensemble de pastels remarquables qui lui ont été prêtés pour l’occasion. Il n’en est rien et c’est tant mieux. Car, si l’on comprend que le titre a été choisi pour attirer l’attention du grand public, le propos est beaucoup plus ambitieux. Il s’agit de la présentation pendant six mois, ce qui est exceptionnellement long, de la moitié environ des 221 pastels constituant la collection du Petit Palais, entièrement cataloguée dans la publication accompagnant l’exposition. Bien qu’un certain nombre de chefs-d’œuvre se trouvent ainsi livrés à son admiration, c’est donc surtout l’occasion pour le visiteur de découvrir un échantillonnage sans filtre de la production du début du XIXe siècle aux années 1930.
Le Palais des beaux-arts de la Ville de Paris accueille depuis toujours des achats municipaux, souvent réalisés dans les Salons du XIXe siècle. Il reçoit aussi des dons, d’autant plus que Henry Lapauze, directeur du Petit Palais de 1905 à 1925, y avait fait appel pour enrichir son musée. La commissaire, Gaëlle Rio, conservatrice chargée des collections d’arts graphiques du XVIIIe au XXe siècle, a dû classer ce fonds pour le présenter de manière accessible, ce qui l’a parfois obligée à mélanger audacieusement les genres. Ainsi, la première section intitulée « Avant le renouveau du pastel » comprend le portrait de La Princesse Radziwill (vers 1800-1801) d’Élisabeth Vigée-Lebrun accompagné d’œuvres de Léon Riesener ou de Norbert Goeneutte, lesquelles, si elles prolongent l’esprit du XVIIIe siècle, ont été produites en 1861 et 1888. De belles œuvres de Troyon et surtout de Carpeaux ennoblissent cette section où l’on trouve aussi des esquisses de peintures pour les églises de Paris et deux modèles de vitraux de Charles Raphaël Maréchal exécutés en 1874 pour l’église Saint-François-Xavier, d’un intérêt purement historique.
La section suivante, « Le pastel naturaliste », offre d’un côté des figures, de l’autre des paysages. Elle montre de grands pastellistes comme Lhermitte ou Dagnan-Bouveret mais aucun Millet. Mais elle permet de découvrir des œuvres qui n’ont quasiment jamais été exposées comme ce spectaculaire Nocturne. Le Lac Léman - Souvenir de Villeneuve (1895) d’Alexandre Nozal, un pastel de grande taille acquis pour un prix élevé en 1921, ce qui a conduit la fille du peintre à faire don de sept autres œuvres en 1970. Autre belle découverte, Retour du marché (avant 1907) de Louise Breslau, donné par l’artiste et exposé une seule fois, en 1993.
Dans les salles intitulées « Le pastel impressionniste » sont réunis de grands noms : Degas, Gauguin, Renoir, Morisot et Cassatt, dont les œuvres se trouvent à proximité de Femme s’essuyant (1905) de Pierre Georges Jeanniot, pastel « peu plaisant à l’œil », avoue avec honnêteté la commissaire, un don encombrant de l’artiste compensé par celui que fit Armand Guillaumin en 1922 composé de plus de 50 de ses pastels dont quelques-uns figurent dans l’exposition.
Ainsi va le destin d’une collection. « Le pastel mondain » est l’occasion de découvrir le joli talent de la princesse Marie Eristoff-Kasak avec le Portrait de Lily Pavlovsky enfant (1898), jamais exposé, tandis que « Le pastel symboliste », à côté des attendus Redon, Lévy-Dhurmer, Roussel et Osbert, présente Sur champ d’or (1897) de Charles Léandre, œuvre monumentale superbement encadrée, souvent exposée et publiée, dans une veine très différente de celle, virtuose mais assez plate, de ses portraits.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°493 du 19 janvier 2018, avec le titre suivant : Le Petit Palais dévoile ses pastels