À travers une approche pluridisciplinaire, les Archives nationales analysent les composantes de la demeure médiévale et en révèlent ses aspects les plus méconnus.
PARIS - Les découvertes en matière d’architecture civile parisienne médiévale ont été nombreuses ces dernières années, à la faveur, notamment, de l’archéologie préventive. Paradoxalement, il n’existait aucun ouvrage consacré à la demeure médiévale à Paris, thème traité le plus souvent à travers une approche sociale ou économique. Fort de ce constat, l’historien de l’art Étienne Hamon a élaboré pour les Archives nationales, avec la conservatrice Valentine Weiss, un parcours sur ce sujet en plein renouvellement depuis le travail pionnier du groupe d’André Chastel dans les années 1970, lors de la destruction du quartier des Halles. « C’est l’occasion de mettre en valeur un fonds riche et varié mais difficilement accessible car dispersé », précise Étienne Hamon. Comme à l’accoutumée, l’institution est parvenue à surmonter la difficulté de présenter des documents d’archives grâce à une scénographie didactique et subtile.
Dessins, enluminures, maquettes, pièces archéologiques, mobilier, extraits de films, reconstitution en 3D d’une demeure bourgeoise ordinaire et modélisations de vestiges archéologiques, viennent enrichir des documents sélectionnés avec soin. Citons la célèbre charte de lettres patentes de Charles V unissant à perpétuité l’hôtel Saint-Pol à la couronne de France (juillet 1364) ou l’un des trois volumes de l’inventaire après décès de Pierre Le Gendre, trésorier de France, acquis par les Archives nationales en 2012. Des carnets de visites, cartels numériques sur lesquels défile la transcription du texte et fiches mettant en exergue tel aspect d’un document : tout est mis en œuvre pour rendre le sujet accessible au plus grand nombre. Les spécialistes ne seront pas en reste. L’étude publiée pour l’occasion réunit une cinquantaine d’auteurs, archivistes, historiens, historiens de l’architecture, archéologues de la ville de Paris. Un répertoire sélectif des principaux hôtels typiques de cette demeure médiévale est également publié.
Enquête très documentée
Le plus ancien document exposé remonte au Xe siècle – il s’agit de la charte du 17 juin 911, scellée de Charles le Simple, qui organise la juridiction du cloître Notre-Dame –, mais c’est réellement à partir des XIIe et XIIIe siècles que la variété des sources est suffisante pour capter précisément ce que fut la demeure médiévale, son organisation institutionnelle ou juridique, et comment elle s’inscrit dans la topographie urbaine. « Entre le XIe et le XIIIe siècle, Paris passe d’une bourgade de 20 000 habitants à une grande métropole de 200 000 âmes. C’est la plus grande ville du monde occidental jusqu’à l’époque moderne », précise Étienne Hamon. « La ville n’échappe pas à l’évolution générale de la société médiévale. À partir des XIe-XIIe siècles, elle est subdivisée en seigneuries, avant que le roi ne reprenne la main sur le droit de voierie, imposant son autorité à celles des circonscriptions. »
Longtemps délaissées, les archives du fonds des minutes notariales ont fourni de précieuses informations sur la typologie des demeures, résidences aristocratiques et bourgeoises, grands hôtels religieux ou laïcs, dont certains existent encore tels l’hôtel de Cluny qui abrite le Musée national du Moyen Âge, ou l’hôtel de Sens, devenu la bibliothèque Forney, dont une photographie du début du XIXe siècle montre combien l’édifice a été restauré pour ne pas dire reconstruit. Quant à la Tour Jean Sans Peur, l’importance de ses éléments laisse présager du luxe des logis qu’elle distribuait. La demeure médiévale, c’est aussi la maison bourgeoise, lieu à la fois résidentiel et commercial, construit le plus souvent en bois et torchis. Le mélange des matériaux est très apprécié dès le XIVe siècle, où le bois est associé à la pierre, puis à la brique par la suite. Un chapitre entier traite des aspects techniques de la construction, connus grâce à des documents très précis, les « comptabilités de chantiers ». Pour évoquer le décor monumental des maisons luxueuses, des éléments lapidaires médiévaux (vers 1400) ont été réunis. La reconstitution d’une chambre parisienne à la fin du Moyen Âge, à la manière d’une period room, conclut en beauté ce parcours riche d’enseignement.
Jusqu’au 14 janvier 2013, Archives nationales, Hôtel de Soubise, 60 rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris, tél. 01 40 27 60 29, www.archivesnationales.culture.gouv.fr/anparis, tlj sauf mardi et jours fériés, 10h-17h30 et 14h-17h30 le week-end.
Publications, La demeure médiévale à Paris, coédition avec Somogy, 293 p., 35 €; La demeure médiévale à Paris – Répertoire sélectifs des principaux hôtels, 542 p., 25 €
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Le Paris du Moyen Âge
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaires : Étienne Hamon, professeur d’histoire de l’art médiéval (Université Picardie Jules Verne) et Valentine Weiss, conservateur du patrimoine aux Archives nationales, responsable du Centre de topographie historique de Paris au département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime.
Scénographe : Agence Point de fuite
Voir la fiche de l'exposition : La demeure médiévale à Paris
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°380 du 30 novembre 2012, avec le titre suivant : Le Paris du Moyen Âge