La galerie Malingue rend hommage à celui que Breton surnommait « l’illustre forgeron de nos rêves », donnant à voir (et parfois à acheter) une cinquantaine de pièces d’importance inégale, bronzes, collages, frottages et peintures exécutés par Max Ernst entre 1913 et 1974. Pourtant l’ensemble de son vocabulaire s’établit essentiellement durant les années d’humour et de trouvailles, de la Maison Dada à Cologne en 1918 aux expériences surréalistes parisiennes (1925-1938), laissant aux œuvres d’après-guerre le soin de tirer parti de ces innovations premières. Du reste, la galerie écarte relativement l’œuvre tardive dont la figuration un brin vieillie génère une peinture rompue au système mis en place par le peintre-poète. La sélection se resserre donc autour du Max Ernst des débuts, radical et percutant, celui des insatiables découvertes (collage, frottage, grattage) au service d’une invention formelle débridée bien qu’encadrée par une infaillible maîtrise technique et une solide dévotion envers les maîtres allemands que sont Bosch, Grünewald ou Friedrich.
Le parcours rend compte de la grande diversité des techniques dénichées par tâtonnements, accidents ou expérimentations obstinées, visant encore et toujours à brider la part active de l’artiste. Carton, toile-émeri, assemblages fortuits, frottage révélant la vie secrète des matériaux, tout est possible, tout est combinable, tout peut être peint. Aux associations incongrues (parmi lesquelles deux beaux exemples de tension formelle réalisés pour le roman-collage Rêve d’une jeune fille qui voulait rentrer au carmel en 1929) s’ajoute une large sélection de peintures. Elles attestent de l’attention portée par l’artiste aux motifs récurrents de la forêt et de l’oiseau, gorgés d’étrangeté et baignés de lumière froide. Ernst déploie alors un inextricable lacis de figures fantasques, végétaux inquiétants, créatures hybrides, machines anthropomorphes qu’il plante dans un improbable espace, interprétant par la rencontre inattendue d’objets hétérogènes, la collision du réel et du subjectif. « Le mieux, explique Ernst, est de garder un œil fermé pour regarder à l’intérieur. Tandis que l’autre œil est fixé sur la réalité [...] vous réalisez la synthèse de la vie objective et de la vie subjective. »
PARIS, galerie Malingue, 26 av. Matignon, VIIIe, tél. 01 42 66 60 33, 23 mai-18 juillet.
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Le monde merveilleux de Max Ernst
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : Le monde merveilleux de Max Ernst