PARIS
Depuis près de cinquante ans, le corps d’Helena Almeida exprime par des mouvements et des formes des émotions dans l’espace clos et dépouillé de son atelier, autrefois atelier de son père, le sculpteur portugais Leopoldo de Almeida.
En une économie de gestes et de moyens, elle habite la charge sensible de l’acte ou du mot qu’elle dessine, puis chorégraphie et interprète devant l’objectif. Son époux, l’architecte Artur Rosa, assure la prise de vue, inscrit aussi son corps depuis peu dans le cadre, comme dans ce pas de deux aux jambes liées par une corde. De ce grand nom de l’art, qui par deux fois a représenté le Portugal à la Biennale de Venise (en 1982, puis 2005), n’ont été montrées jusqu’à présent par ses galeries successives que des parties de parcours. La rétrospective que le Jeu de Paume lui consacre, couplée aux textes et à l’entretien de l’artiste dans l’ouvrage afférent, ouvre pour la première fois à une lecture globale à partir de la peinture et de la rupture de l’artiste avec elle en 1969. De bout en bout, l’œuvre subjugue par sa poétique et sa grande cohérence.
Photographies ou vidéos concentrent en noir et blanc des situations précises porteuses de sens et d’intériorité, à la stylistique incorporant régulièrement crins de cheval, poudres de pigments, trait de peinture rouge ou encore recouvrement de bleu partiel. La main d’Helena Almeida collée à son pied nu ou composant un ballet en quatre images suffit à exprimer le terme Seduzir (« Séduire »), titre générique à un corpus de pièces réalisées récemment, où son corps, habillé de noir, chaussé ou déchaussé de talons hauts, revêt d’autres figures de séduction, habiles ou malhabiles, avec la marque du temps d’un corps progressivement dépourvu de son visage.
Jeu de Paume, 1, place de la Concorde, Paris-8e, www.jeudepaume.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°689 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Le langage du corps d’Almeida