VERSAILLES - Louis XIV assistant à la dissection d’un éléphant ; une expérience d’électricité menée par un célèbre professeur démonstrateur, l’abbé Nollet (1700-1770), dans la galerie des Glaces ; Louis XVI observant à la lunette, depuis son appartement, le premier envol d’une montgolfière, organisé sous ses fenêtres en 1783…
Si, sous l’Ancien Régime, Versailles a été un haut lieu des arts, la cour royale n’est pas restée indifférente aux innovations scientifiques. Tel est le propos de l’exposition « Sciences et curiosités à la cour de Versailles » présentée au château. L’idée est excellente mais autant dire que le résultat est quelque peu décevant. Se voulant destinée au grand public – comme l’indique sa scénographie démonstrative –, la manifestation privilégie l’exhaustivité au risque de noyer le visiteur dans une profusion de 400 pièces (objets d’art, tableaux, livres, instruments scientifiques ou simples curiosa) mêlant sans grande clarté toutes les disciplines (astronomie, physique, médecine, botanique…). De quoi facilement brouiller le propos. Car, dans cette longue histoire, il y a bien plusieurs chapitres à écrire. Avec la création de l’Académie des sciences (1666) et de l’Observatoire royal de Paris (1667), le Roi-Soleil affirme sa volonté de prendre les choses en main et de s’ériger en patron des sciences. En témoigne le grand tableau dû au pinceau d’Henri Testelin (Présentation par Colbert des membres de l’Académie des sciences à Louis XIV en 1667, vers 1680), figurant autour de la personne royale les premiers académiciens, dont les célèbres savants étrangers Huygens et Cassini.
Pour des raisons autant militaires qu’économiques, le royaume avait tout intérêt à s’appuyer sur les compétences de savants, susceptibles notamment d’améliorer la cartographie ou la science militaire. Si beaucoup de travaux ont Paris pour cadre (mais les scientifiques les plus zélés viennent faire leurs démonstrations à Versailles afin d’obtenir un mécénat royal), le chantier du château sera aussi un terrain de travail privilégié pour les ingénieurs, qui doivent notamment satisfaire le caprice royal d’alimenter en eau la plaine marécageuse de Versailles, et déployer des prouesses d’invention en matière d’hydraulique. L’astronomie, figurée dans les décors royaux, la botanique, pratiquée dans les jardins, ou encore la zoologie, mise en scène dans la ménagerie, constituent des sources d’agrément de la vie quotidienne à Versailles. Mais la science y est aussi pratiquée dans le cadre de l’enseignement dispensé aux jeunes princes. Maître de physique et d’histoire naturelle auprès du Dauphin, fils de Louis XV, à partir de 1744, l’abbé Nollet crée pour son élève une série d’instruments pédagogiques (vis d’Archimède, œil artificiel…), tous reconnaissables à leur laque noire aux finitions rouges, et qui viennent compléter les maquettes, cartes et autres objets destinés à l’éducation.
Objets rares et précieux
Les meilleurs artisans sont mis au service de cette pédagogie, créant des pièces luxueuses et innovantes, comme en témoigne l’étonnant globe terrestre montrant également les profondeurs des mers et la voûte céleste, créé pour le fils de Louis XVI. Il y avait là matière à écrire une exposition sur ce seul sujet… Cette sensibilisation à la science a par ailleurs suscité un goût pour les objets rares et précieux, dont Louis XV était un grand amateur. La pendule astronomique de Passemant, pièce magistrale de 2,26 mètres de hauteur (1750), avec sa sphère mouvante appuyée sur des bronzes sculptés par les Caffieri, représente ainsi un sommet de l’art rocaille appliqué à la science.
Jusqu’au 27 février 2011, salles d’Afrique et de Crimée, château de Versailles, tél. 01 30 83 78 00, www.chateauversailles.fr, tlj sauf lundi 9h-17h30. Catalogue, éd. RMN, 280 p., 45 euros, ISBN 978-2-7118-5683-1
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Le laboratoire de Versailles
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Abonnez-vous dès 1 €Commissariat :
Béatrix Saule, directrice générale de l’Établissement public du musée et du domaine national de Versailles ;
Catherine Arminjon, conservatrice honoraire du patrimoine ;
Hélène Delalex, adjointe de conservation au Musée national du château de Versailles
Scénographie :
Frédéric Beauclair
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°336 du 3 décembre 2010, avec le titre suivant : Le laboratoire de Versailles