PARIS
Pari tenu pour le Petit Palais, Musée des beaux-arts de la Ville de Paris, et sa spectaculaire rétrospective autour de l’Exposition universelle de 1900. Par-delà l’autocélébration de la création du musée, cette évocation de la Belle Époque rend un hommage appuyé à la Parisienne. Reposant sur une base scientifique, cette splendide exposition brille par son opulence raisonnée.
PARIS - Plus d’un siècle et deux guerres mondiales plus tard, le Paris de l’Exposition universelle de 1900 reste un défi pour l’imagination. En ce climat d’austérité généralisée, la débauche architecturale, les innovations techniques, les chiffres astronomiques, la logistique titanesque et la ferveur communicative de cette course au spectaculaire donnent même le tournis. Cinquante et un millions de visiteurs venus du monde entier ont pu témoigner que ce Paris de rêve (et de carton-pâte), ce Paris centre du monde a bel et bien existé. Si les photographies et les films d’époque sont là pour en attester, les preuves les plus tangibles demeurent à ce jour les nouveaux Grand et Petit Palais, bijoux d’architecture de pierre, de métal et de verre construits au bout du pont Alexandre III. « Paris 1900. La ville spectacle » ne se limite heureusement pas à l’autocélébration du Petit Palais et de son grand frère, dont on peut examiner les différentes étapes de construction. En abordant plusieurs aspects de cette société du spectacle qu’est devenue Paris au tournant du XXe siècle, l’exposition se lit comme le reflet d’une époque que l’on disait belle.
600 œuvres pour une exposition modèle
Le foisonnement, voire la redondance, des œuvres et documents présentés (environ 600) est l’un des éléments clés de « Paris 1900 », dont la réussite tient dans son art d’organiser une offre pléthorique dans de grands chapitres parfaitement conçus. En guise d’introduction, l’événement créé par l’Exposition universelle révèle un monde enivré par sa propre nouveauté et sa puissance coloniale, capable de s’offrir un métro comme de réduire des indigènes à l’état d’animaux. Tel un de ces ballons qui survolaient la capitale en fête, la visite prend ensuite de la hauteur pour observer la scène dans son ensemble. La suprématie de l’Art nouveau ouvre le bal avec une époustouflante sélection d’œuvres, qui soulignent la facilité avec laquelle ce style est devenu un art de vivre. Le formidable pastiche d’un Salon des beaux-arts qui suit recrée à merveille le carambolage esthétique de ces années-là – soucieux d’isoler les mouvances, les musées d’aujourd’hui ont fait oublier cet hétéroclisme réjouissant. Les mystérieuses Fleurs du Lac (1900) du symboliste nantais Edgard Maxence côtoient sans fausse note le naturaliste Jardin du Luxembourg vu par le Finnois Albert Edelfelt (1887), l’un de ces nombreux étrangers peuplant les académies privées parisiennes. Les dinosaures William-Adolphe Bouguereau et Jean-Léon Gérôme survivent tels des fantômes égarés, sur le point d’être écrasés par d’autres monstres sacrés en marche. Ici Rodin, là Monet, Cézanne… Avec le chapitre sur la Parisienne, la légèreté s’impose. Pourquoi la Parisienne est-elle emblématique de cette ville ? Le reste de l’exposition le murmure en le pensant très fort : la femme est la pierre angulaire d’un vaste programme de divertissement qui a fait la réputation mondiale de la ville.
Enchaînant sur « Paris la nuit » et « Paris en scène », le parcours décline les différents rôles attribués à la gent féminine au gré des marches de l’échelle sociale. De l’espace public qu’elle anime sans efforts apparents de ses plus beaux atours ; des œuvres d’art pour lesquelles elle est un modèle inépuisable ; des scènes de théâtres les plus révérées où triomphe Sarah Bernhardt ; des cabarets et autre caf’-conc dans lesquels Jane Avril et la Goulue lèvent la jambe ; des photographies grivoises qui circulent sous le manteau pour lesquelles elles prennent froid ; jusqu’aux alcôves feutrées des maisons closes dans lesquelles fourmillent des infortunées par milliers.
Le pari de Christophe Leribault, directeur des lieux, est réussi. En célébrant Paris 1900 et le Petit Palais qui est un des piliers, il prouve que la rigueur scientifique d’une exposition thématique peut rimer avec grand spectacle.
Commissariat : Christophe Leribault, directeur du Petit Palais ; Alexandra Bosc, conservateur au Musée de la mode de la Ville de Paris ; Dominique Lobstein, historien de l’art ; Gaëlle Rio, conservateur au Petit Palais
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Le grand spectacle de Paris 1900
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 17 août, Petit Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris, tél. 01 53 43 40 00
www.petitpalais.paris.fr
tlj sauf lundi et 10h-18h, 10h-20h le jeudi. Catalogue, éditions Paris Musées, 2014, 418 p., 49,90 €.
Légende photo
Henri Gervex, Une soirée au Pré-Catelan, 1909, huile sur toile, 217 x 318 cm, Musée Carnavalet, Paris. © Photo : Musée Carnavalet/Roger-Viollet.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°412 du 25 avril 2014, avec le titre suivant : Le grand spectacle de Paris 1900