En 1847, Charles Cordier (1827-1905) rencontre Seïd Enkess dans l’atelier de François Rude où il travaille. Il réalise le buste en plâtre de cet esclave noir devenu modèle, et l’expose avec succès au Salon de 1848. C’est le point de départ de l’œuvre ethnographique de ce sculpteur quelque peu oublié au XXe siècle qui voulait représenter « l’ubiquité du beau ». Le travail de Cordier coïncide avec l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises – le 27 avril 1848 –, et s’inscrit dans une période qui voit se développer l’ethnographie, notamment au travers de la photographie. Les premiers daguerréotypes ethnographiques sont réalisés à Paris ou lors d’expéditions à l’étranger ; l’exposition montre ceux d’Henri Jacquart (1851) et un ensemble de clichés de Gustave Le Gray et Philippe Potteau. Charles Cordier effectue plusieurs missions en Algérie, en Grèce, en Italie, en Égypte, qui lui sont accordées par le gouvernement français. En 1860, il expose à l’occasion de l’Exposition des produits d’Algérie au palais de l’Industrie une série de bustes qui rendent compte des différents types humains, en prônant le respect de l’autre. Si l’œuvre de Charles Cordier revêt à l’époque un intérêt documentaire et ethnographique, elle vaut aussi aujourd’hui pour les recherches décoratives de ce pionnier de la sculpture en marbre polychrome, qui associe avec virtuosité le marbre onyx d’Algérie, le bronze argenté, doré ou coloré et l’émail.
Pour cette première exposition monographique consacrée à l’artiste, le musée d’Orsay rend compte de la « galerie anthropologique et ethnographique » de Cordier en présentant une quinzaine de bustes conservés au musée de l’Homme. Ceux-ci ne représentent qu’une partie de sa production artistique, sans doute la plus intéressante.
Le reste est moins surprenant, très caractéristique de la carrière d’un sculpteur du Second Empire, entre œuvres académiques (Andromède) et commandes publiques ou privées (les Atlantes pour la tribune du hall du château de Ferrières).
La dernière salle de l’exposition met davantage en scène les sculptures, laissant de côté l’aspect ethnographique au profit de la mise en valeur des qualités esthétiques des œuvres. La présentation dans le noir et la lumière dirigée sur les visages créent une atmosphère très particulière en révélant une grande richesse décorative. On remarquera notamment une Juive d’Alger (1872) polychrome en bronze émaillé, dorure et marbre onyx, et la Torchère femme arabe (1862) acquise par l’impératrice Eugénie pour le vestibule du salon chinois du château de Fontainebleau, mélange d’influences antique, baroque et orientale.
« Charles Cordier (1827-1905), l’autre et l’ailleurs », PARIS, musée d’Orsay, quai Anatole France, VIIe, tél. 01 40 49 48 14, www.musee-orsay.fr, 3 février-2 mai, cat. La Martinière, 256 p., 45 euros.
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Le genre humain selon Cordier
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°557 du 1 avril 2004, avec le titre suivant : Le genre humain selon Cordier