Néoclassique

Le fulgurant Eckersberg

Le Journal des Arts

Le 22 juin 2016 - 441 mots

Artiste touche-à-tout aux éclairs de génie, le maître de l’Âge d’or danois sort de l’ombre.

PARIS - En France, Christoffer Wilhelm Eckersberg (1783-1853) est quasi inconnu. Au Danemark, il est pourtant avec le sculpteur Thorvaldsen, le grand initiateur de « l’Âge d’or danois » au XIXe siècle et reste un des peintres les plus connus de son pays natal. À Paris, pour la première fois, une monographie du peintre permet de découvrir un art très influencé par la France, où il fit un bref passage auprès de Jacques-Louis David, un artiste touche-à-tout et un maître de la perspective. Cette monographie est d’envergure : 125 œuvres, peintures et dessins, et la dernière étape d’une itinérance née au Statens Museum for Kunst de Copenhague, et poursuivie à la Kunsthalle d’Hambourg. « À la Fondation Custodia, l’exposition se trouve à deux rues de l’appartement qu’occupa Eckersberg lors de son séjour parisien, entre 1810 et 1813 », sourit Ger Luijten, directeur de la Fondation, qui a réussi à convaincre les musées prêteurs de la nécessité de l’étape parisienne : « Hormis en 1984 avec une exposition sur l’Âge d’or de la peinture danoise, la France n’a pas regardé cette période et ses artistes depuis. »

Un artiste d’avant-garde
Parmi les 125 œuvres accrochées, de la peinture d’histoire, des paysages, des portraits, des nus, des marines, des scènes de genre : Eckerberg ne s’est jamais limité. Et dans chaque section thématique, des pièces d’exception. Si sa peinture d’histoire est fortement marquée par la manière de David, dont il fréquente l’atelier durant trois ans, son séjour à Rome produit des œuvres étonnantes de modernité, presque deux décennies avant Corot. Vue à travers trois arches du Colisée à Rome (1814-1816, Statens Museum, Copenhague), est un morceau de choix. À la Fondation, il faut se pencher sur l’œuvre, en toute proximité du regard, pour voir la qualité de la touche et de la palette, la solidité de la construction, l’originalité de la perspective, impossible topographiquement. Plus loin, un portrait de Thorvaldsen, dont il était un ami proche, illustre ses talents de portraitiste. Les nus qu’il exécute à l’Académie de Copenhague pour ses élèves impressionnent par leur réalisme sans concession. La minutie d’exécution des voilures des bateaux annonce aussi une autre belle découverte au sous-sol de la Fondation : là, les dessins et estampes, à la plume et à l’encre noire, se dévoilent aussi variés que les peintures. Parfois caustique comme Daumier, il devient presque architecte dans ses vues de monuments. Et Un voilier en pleine mer (1830, Fondation Custodia) laisse songeur, tant l’économie de moyens sert la puissance de ce grand format. À Paris, Eckersberg est une belle découverte estivale.

C. W. eckersberg (1783-1853) Artiste danois a paris, Rome et Copenhague

jusqu’au 14 août, Fondation Custodia, 121 rue de Lille, 75007 Paris, tél. 01 47 05 75 19, www.fondationcustodia.fr, tlj sauf lundi, 12h-18h, entrée 10 €. Catalogue, Ed. Fondation Custodia, 336 p., 40 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°460 du 24 juin 2016, avec le titre suivant : Le fulgurant Eckersberg

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