L’Artic Design Week vise davantage le monde de l’entreprise que le grand public.
ROVANIEMI (FINLANDE) - À l’instar des biennales d’art contemporain, se multiplient à travers la planète les « Design Week », ou « Semaine du design ». On en trouve jusque dans les contrées les plus reculées, comme… la Laponie. L’Arctic Design Week, qui s’est déroulée du 22 au 28 février à Rovaniemi (Finlande), ne s’adressait cependant pas au grand public. « Effectivement, notre objectif, cette année, est surtout de mettre l’accent sur les entreprises, de leur faire comprendre comment elles peuvent user du design dans une région comme l’Arctique, et ce, pour leur propre développement, convient Julius Oförsagd, designer et commissaire de cette édition 2016, huitième du nom. À l’heure du réchauffement climatique, nous devons aussi montrer les spécificités de ce “design arctique”, un design a fortiori plus proche de la nature, qui prend donc davantage soin de l’environnement et en compte le développement durable. » Hormis des travaux d’étudiants exposés à l’Arktikum, musée et centre scientifique, et surtout à la Faculté d’art et de design de l’Université de Laponie, ainsi qu’une journée entière consacrée à des conférences pointues – « Digitalisation », « Conception en conditions extrêmes »… – à la Maison de la culture Korundi, ce fameux « design de l’extrême » était donc peu identifiable, voire invisible aux yeux du visiteur lambda. Ne restait qu’à le « traquer » in situ…
Certes, la ville de Rovaniemi dispose en la matière d’une bonne assise. Le grand architecte Alvar Aalto, auteur jadis du plan d’urbanisme, y a essaimé les bâtiments publics (bibliothèque, théâtre et hôtel de ville) qui ont forgé sa réputation, lieux dans lesquels il a déployé un mobilier raffiné. Ce qui n’empêche pas la capitale de la Laponie finlandaise de se laisser parfois aller, cédant, par exemple, à la mode des « hôtels de glace » où l’on peut dîner et passer une nuit à – 5 °C, tel l’Arctic Snow Hotel de Sinettä, non loin de Rovaniemi, dans lequel la décoration intérieure vire au kitsch. Ce style, selon Jens Thoms Ivarsson, ne fait heureusement pas boule de neige. Le directeur du design de l’Ice Hotel de Jukkasjärvi (Suède), ainsi qu’il s’en est expliqué le 25 février, lors de la journée-conférences, propose, lui, des lignes contemporaines en sollicitant l’intervention de créateurs issus de champs divers : designer, cinéaste, graphiste, street artist…
Motoneiges et planches de surf
À côté de la glace, la forêt représente un formidable terrain d’innovations. S’il reste aux fabricants de Log Houses un bout de chemin à parcourir afin de moderniser l’image de « Ma cabane au Canada » qui leur colle à l’écorce, du côté du matériel lui-même, les designers s’en donnent à cœur joie. On peut le voir au Centre scientifique Pilke, spécialisé sur la forêt : depuis l’outil du bûcheron 2.0 jusqu’au gigantesque engin forestier façon couteau suisse, capable de transformer en deux temps trois mouvements un tronc en un produit quasi fini. Même démonstration d’imagination pour les multiples motoneiges, tel le Lynx Intuition, prototype à l’allure de gros insecte exhibé à l’Arktikum et avec lequel un étudiant, Heikki Herranen, a décroché, l’an passé, le premier prix d’un concours de design lancé par le fabricant canadien de véhicules récréatifs motorisés BRP.
Les designers Maxim Narbrough et Jan Leutola ont quant à eux fondé leur agence Treeform il y a cinq ans et, plus récemment, leur propre marque, Ilahu, pour produire en particulier une collection d’étonnantes et profilées planches de surf sur neige en… bouleau, l’essence locale, dont ils commercialisent déjà trois modèles. Mais toutes les entreprises locales ne sont pas encore prêtes à succomber au design. On pense notamment au fabricant de couteaux Marttiini, lequel continue de surfer imperturbablement sur ses gammes traditionnelles. Quelques événements destinés au grand public pourraient sans doute éveiller davantage cette « fibre design ».
En attendant, les visiteurs les plus courageux feront un crochet par Helsinki où le Design Museum présente, jusqu’au 27 mars, une monographie d’un créateur attachant, Ilkka Suppanen, 48 ans, lequel a décroché, en 2015, le prestigieux Torsten and Wanja Söderberg Prize décerné chaque année, en Suède, à « un designer nordique en activité ». Suppanen a déployé, au sous-sol du musée, une installation intitulée Wood Cloud, panorama s’étirant de ses premiers projets, alors qu’il œuvre au sein du collectif Snowcrash, jusqu’à ses créations les plus récentes comme des tables pour la firme Woodnotes. Histoire d’admirer le design finlandais… de visu !
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Le design qui venait du froid
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°453 du 18 mars 2016, avec le titre suivant : Le design qui venait du froid