Venise

Le couronnement du Tintoret

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 3 février 2006 - 545 mots

Le Musée du Louvre expose les esquisses exécutées par le maître vénitien et ses contemporains pour décrocher l’une des plus prestigieuses commandes du palais des Doges.

 PARIS - Entre 1578 et 1588, à la demande du gouvernement de la République vénitienne, le Tintoret, Véronèse, Francesco Bassano, Palma le Jeune et Federico Zuccaro concourent pour obtenir une commande prestigieuse : l’exécution du Couronnement de la Vierge (dit aussi le Paradis), destiné à surmonter la tribune du doge dans la salle du Grand Conseil du palais ducal de Venise. Autour des deux esquisses peintes pour l’occasion en 1582 puis en 1588 par le Tintoret, enrichies d’œuvres de ses contemporains et de dessins préparatoires, le Musée du Louvre, à Paris, retrace à partir du 9 février cette épopée artistique qui connut de nombreux rebondissements.
Tout commence en 1577, lorsqu’un incendie ravage une partie du palais des Doges, notamment la salle du Grand Conseil, où trônait le Couronnement de la Vierge peint en 1365 par Guariento. Un concours est alors lancé pour remplacer cette fresque. Réunissant les plus grands artistes vénitiens de l’époque, il est finalement remporté en 1582 par Véronèse, dont est présentée ici l’esquisse conservée au Musée des beaux-arts de Lille. Jugé trop esthétique et pas assez politique – l’œuvre devait ériger la République oligarchique de Venise en véritable « paradis sur terre » –, le projet du Tintoret (l’esquisse du Louvre) ne fut pas retenu, pas plus que celui de Palma le Jeune, conservé à la Bibliothèque ambrosienne de Milan. Âgé et déjà très occupé, Véronèse demande à être assisté par Francesco Bassano, dont les visiteurs de l’exposition peuvent apprécier l’esquisse prêtée par le Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Mais Véronèse meurt en 1588, sans que le chantier n’ait commencé… Même si aucune archive ne l’atteste, le concours est probablement relancé. Le Tintoret réalise alors sa deuxième esquisse – celle qui est conservée au Musée Thyssen-Bornemisza, à Madrid, confrontée exceptionnellement ici à celle du Louvre – et remporte la commande. L’aventure ne s’arrête pas là : le projet du Tintoret n’est finalement lancé qu’en 1592, soit deux ans avant sa mort, à l’âge de 76 ans. C’est donc son fils, Domenico, qui dirigera l’achèvement de l’exécution de l’immense tableau final (22 mètres sur 7), qui impressionne encore aujourd’hui les visiteurs du palais des Doges.
Cette exposition passionnante sera ensuite présentée au Musée Thyssen-Bornemisza (5 juin-27 août), partenaire de la manifestation, puis au palais des Doges de Venise (6 septembre-30 novembre). Mais seul le Louvre expose une série des dessins préparatoires – trop fragiles pour voyager – réalisés par le Tintoret, Véronèse, Palma le Jeune et Federico Zuccaro. L’institution parisienne a par ailleurs lancé une série de conférences (lire p. 34) pour évoquer le contexte artistique de la Sérénissime dans les années 1580 et percer à jour les techniques des grands maîtres vénitiens.

LE « PARADIS » DE TINTORET

Du 9 février au 8 mai, Musée du Louvre, aile Sully, 75001 Paris, tél. 01 40 20 55 55, www.louvre.fr, tlj sauf mardi, 9h-17h30 (jusqu’à 21h30 le mercredi et le vendredi). Catalogue, éditions Musée du Louvre/5 Continents, 160 p., 38 euros. - Commissaire : Jean Habert,conservateur en chef au département des Peintures du Musée du Louvre - Nombre d’œuvres : 30 (dont 5 esquisses) - Nombre de salles : 2

Suite vénitienne

En écho à l’exposition « Le Paradis de Tintoret », le département des Arts graphiques du Louvre dévoile une série de dessins représentatifs de l’art vénitien du XVIe siècle, de l’étude pour La Bataille de Spolète de Titien jusqu’à l’esquisse pour l’un des derniers tableaux de Véronèse, Le Miracle de San Pantaleon. « Il ne s’agit pas d’une exposition avec un propos scientifique et un catalogue, mais d’un accrochage de nos collections, insiste la conservatrice Catherine Loisel- Théret. Cela nous a donné une grande liberté dans le choix des œuvres, et nous présentons des dessins qui ne sortent presque jamais des réserves, signés d’artistes quasi inconnus, voire jamais exposés. » Le Cabinet d’art graphique travaille également à la préparation d’une exposition au Musée Fabre de Montpellier (actuellement en travaux), autour du « dessin vénitien aux XVIIe et XVIIIe siècles », prévue pour l’automne. « Véronèse et le dessin vénitien », Musée du Louvre. Du 9 février au 8 mai.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°230 du 3 février 2006, avec le titre suivant : Le couronnement du Tintoret

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