PARIS - Connu pour ses monuments officiels, statues en pied et bas-reliefs comme le célèbre fronton du Panthéon de Paris (1837), le sculpteur Pierre-Jean David, dit David d’Angers (1788-1856) avait fait don, dès 1844, au Cabinet des médailles et antiques, département spécialisé de la Bibliothèque nationale de France (BNF), des originaux en plâtre et des moules utilisés pour sa série de médaillons initiée dans les années 1930.
Dans cette galerie de portraits de bronze, il a immortalisé les traits des « grands hommes » de son temps, savants, artistes, écrivains, poètes et hommes politiques, de Chateaubriand à George Sand et Alfred de Musset, en passant par Victor Hugo et sa fille Adèle, Benjamin Constant ou Jules Michelet. Au total, il a réalisé 500 médaillons de bronze coulés grâce à la technique de la fonte au sable. Mesurant entre quinze et vingt centimètres de diamètre, ces œuvres ont connu un franc succès dans la bonne société de l’époque. Même si la demande était grande, David d’Angers a toujours refusé les commandes et n’a immortalisé que ceux qu’il jugeait digne d’intérêt. Plus qu’un panorama des personnalités de l’époque, il s’agit du panthéon idéal du sculpteur.
Culte républicain
Le fonds légué au cabinet des médailles a été inventorié et étudié ces dernières années par Inès Villela-Petit, conservateur à la BNF, et Thierry Laugée, auteur d’une thèse sur La Représentation du génie artistique en France, 1802-1855, qui restituent aujourd’hui au public les fruits de leurs travaux dans les modestes espaces du Musée des médailles, au cœur du site Richelieu. Le parcours confronte les bronzes de David d’Angers à une sélection, récemment restaurée, de plâtres originaux ainsi que des estampes du graveur Achille Devéria (1800-1857), ami de David d’Angers et collectionneur de ses médaillons. Sans oublier des ouvrages théoriques qui témoignent de l’intérêt du sculpteur pour la phrénologie, pseudo-science attribuant aux protubérances crâniennes les traits de caractère d’une personne, ou la physiognomonie, basée sur l’idée que l’observation du visage révèle la personnalité de l’individu. En s’inspirant de ces concepts, le sculpteur cherchait à capter le caractère, l’âme, de ses modèles. La majorité des portraits sont exécutés de profil, sur un fond lisse, et laissent peu de place au costume donc au statut social du sujet. David d’Angers accordait également une grande importance aux signatures, celle de l’artiste et celle de son modèle. Thierry Laugée souligne la dimension politique de ces œuvres : « Les médaillons de David, de leur conception à leur distribution, participèrent du culte républicain du grand homme […] Par l’érection de modèle civiques, David envisageait d’insuffler les idéaux républicains dans l’esprit populaire » faisant des médaillons des « objets utiles à l’émancipation intellectuelle et politique ». « S’il sculptait des visages, c’était surtout pour modeler les esprits », conclut le co-commissaire de la manifestation. Dix ans à peine après la mort de David d’Angers, Proudhon critiquera ce culte des «grands hommes», lui préférant l’idée de libération du peuple. Les médaillons furent rapidement passés de mode, devenant les témoins d’un langage artistique d’une autre ère.
Commissariat : Inès Villela-Petit, conservateur, département des Monnaies, médailles et antiques, BNF, et Thierry Laugée, maître de conférences à l’université Paris IV
Nombre de pièces : 120
Jusqu’au 25 mars, Bibliothèque nationale de France – site Richelieu, Musée des Monnaies, médailles et antiques, 5 rue Vivienne, 75002 Paris, tél. 01 53 79 83 30, tlj sauf jours fériés, 13h-17h45 (et 16h45 le samedi), dimanche, 12h-19h, entrée libre.
Catalogue, éditions Gourcuff Gradenigo, 180 p., 29 €, ISBN 978-2-3534-0113-0.
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Le chasseur de têtes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°360 du 6 janvier 2012, avec le titre suivant : Le chasseur de têtes