Qui connaît Niels Hansen Jacobsen ? Pourtant, ce sculpteur et céramiste danois fut au cœur de l’émulation artistique symboliste au tournant du XXe siècle.
Vivant à Paris de 1892 à 1902, son atelier se trouvait à la Cité fleurie, où il côtoyait notamment Jean Carriès et Eugène Grasset. Le Musée Bourdelle lui consacre une exposition pour la première fois en France, centrée sur ses années parisiennes. Le parcours est conçu autour des cinq sculptures majeures de Jacobsen, marquées par un goût pour l’étrange, voire le macabre, bien souvent inspirées des contes d’Hans Christian Andersen. Autour d’elles gravitent bon nombre d’autres artistes œuvrant à la même époque et puisant aux mêmes sources d’inspiration. Contrairement à ce que pourrait laisser penser l’affiche, il s’agit bien d’une exposition de groupe qui établit des liens entre les œuvres, nourris par des correspondances et des emprunts. Elle montre la place déterminante que le sculpteur danois a occupée dans le laboratoire formel du symbolisme et met en lumière les thèmes communs aux artistes. Aux côtés de La Petite Sirène (1901), les pots en grès émaillé de Jacobsen et la Naissance de Vénus d’Odilon Redon (v. 1912) montrent un attrait commun pour l’organique, le primitif. L’ombre, insaisissable et inconstante, est aussi un thème récurrent qui agit comme révélateur de l’irrationnel. La fluidité rampante de L’Ombre de Jacobsen (1897) est une véritable apparition de la mort, tandis que La Nuit de Victor Prouvé (1894) incarne le rêve : dans la chevelure d’une femme s’entremêlent des allégories de pulsions inassouvies. L’exposition s’achève avec la représentation de la femme, figure de l’arabesque et de l’ambivalence, que les hommes contemplent tantôt avec effroi, tantôt avec fascination. La Madonna d’Edvard Munch (1895) frappe par sa pose lascive et son corps exsangue ; à côté d’elle, un fœtus aux yeux exorbités rappelle la condition matricielle du féminin. Une immersion dans l’univers onirique de Jacobsen, qui replace l’artiste au sein des grandes figures du symbolisme.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : L’aventure symboliste de Niels Hansen Jacobsen