Monographie

Laurent Millet en lignes de connivence

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 17 septembre 2014 - 414 mots

Au Musée des beaux-arts d’Angers, le photographe et plasticien montre pour la première fois la cohérence de sa démarche poétique.

ANGERS - Jamais jusqu’à présent le travail de photographe, vidéaste et plasticien de Laurent Millet n’avait été rassemblé dans un même espace. Le Musée des beaux-arts d’Angers, en partenariat avec la Galerie Particulière (Paris), répare cette négligence.

En trois espaces fluides, la mise en rapport des séries réalisées depuis « Petites machines littorales » (1997) – série fondatrice où se dessine dans un plan d’eau de fragiles structures de pêche constituées de piquets, cailloux, fils de fer… – démultiplie les fictions élaborées à partir d’expériences de construction dans un paysage ou dans un espace intérieur clos, intime. L’inscription dans l’image se fait autant économe en matériaux (fils, draps, toiles, cartons…) que riche en références comme en perceptions instinctives, sensitives, véritable dynamique poétique et conceptuelle.

Du littoral atlantique – terre des jeux d’enfance de ce Rochelais âgé de 46 ans, professeur aux Beaux-Arts d’Angers – aux plages d’Indonésie où a été réalisée durant l’été 2013 la série « La Zone de balancement », carré de sable noir dans la vase. Laurent Millet reformule et questionne des paysages, surfaces espace-temps du geste, du geste du dessin entre autres, et de volumes géométriques. Le choix du procédé photographique dénote un souci de matérialité de l’image permanent, comme la performance qu’induisent les constructions aléatoires, éphémères et l’utilisation de procédés anciens tel l’ambrotype ou le collodion humide. Le rapport de l’ancien assistant de Lucien Clergue et de Jean Dieuzaide aux procédés anciens qu’il affectionne – non sans recourir aussi au numérique depuis quelques années – se double en effet chez lui du besoin d’un rapport physique à l’œuvre, d’un travail sur papier en tension, oscillant entre légèreté, douceur et gravité dans une radicalité formelle de plus en plus abstraite.

Ligne du corps
Dans cette œuvre où le rapport à l’espace et au temps se réinvente constamment, la question de la ligne est centrale, y compris lorsque Laurent Millet met en scène son propre corps. Dans « L’herbier » (2008-2011), qui réunit des scènes inspirées de gravures scientifiques, des parties de son corps deviennent le terreau de plantes foisonnantes, tandis que dans « Translucent Mould of Me » (2013), série de saynètes, des lignes coupées enveloppent sa silhouette sourde évoluant dans un univers blanc. Lignes de gravité et de gravitation d’un monde qu’il a fait sien et dont il ne cesse de croiser, de basculer délicatement les temps et les références.

Laurent Millet, les enfantillages pittoresques

Jusqu’au 16 novembre, Musée des beaux-arts, 14, rue du Musée, 49000 Angers, tél. 02 41 05 38 00, www.musees-angers.fr, jusqu’au 21 septembre, tlj 10h-18h, à partir du 22 septembre, tlj sauf lundi, 10h-18h.
Catalogue, textes de Christine Besson, Michel Poivert, entretien avec Arthur Kopel, Filigranes Éditions, 29 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°419 du 19 septembre 2014, avec le titre suivant : Laurent Millet en lignes de connivence

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