Ouvert dans la tuilerie désaffectée des Milles au début de la Seconde Guerre mondiale pour interner les ressortissants du Reich, le Camp des Milles devient sous Vichy un lieu d’internement et de déportation vers Auschwitz pour des milliers d’êtres humains.
Dans ce contexte tragique et absurde, les étrangers venus se réfugier en France pour fuir le nazisme deviennent dès lors des sujets ennemis. Parmi les internés se trouvent des intellectuels et des artistes, dont Marx Ernst, Hans Bellmer – déjà célèbres avant leur internement –, Ferdinand Springer et Wols. Ils vont donner libre cours à leur créativité pour rester debout, résister à la barbarie, insuffler le moral à leurs codétenus. Une cinquantaine de créations ainsi que des documents concernant les artistes et des archives liées à la vie du camp font l’objet d’une exposition dans ce lieu de mémoire désormais ouvert au public. Ce sont exclusivement des œuvres sur papier, dont la moitié a été réalisée aux Milles, l’autre après leur internement. Max Ernst produisit peu : deux œuvres seulement figurant une vision pétrifiée de la nature. Otto Springer s’employa à croquer ses codétenus, les transformant en dieux grecs pour mieux conjurer la misère quotidienne.
Son travail tendra par la suite vers l’abstraction. Hans Bellmer exprime déjà, par une série de dessins, son obsession à déformer, dédoubler les corps. Après avoir été photographe, Wols deviendra un superbe aquarelliste grâce aux produits que lui procurait sa femme. Ces dessins, fragiles et admirables malgré le peu de moyens dont ils disposaient, ainsi que ceux découverts sur les murs, dans des endroits les plus inattendus – notamment des fresques satiriques qui coûtèrent la vie à leur auteur – constituent le témoignage précieux d’une forme de résistance à la déshumanisation dont les internés faisaient l’objet. À travers elles, le spectateur peut ainsi s’approprier ce que vécurent les internés. Comme l’a justement déclaré Alain Chouraqui, président de la Fondation du Camp des Milles, l’art est une manière d’exprimer l’indicible, mais son sens est ici différent de celui d’un musée, car il ne peut être détaché de l’Histoire.
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L’art, un acte de résistance
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Abonnez-vous dès 1 €Site-mémorial du Camp des Milles, 40, chemin de la Badesse, Aix-en-Provence (13), www.campdesmilles.org
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°662 du 1 novembre 2013, avec le titre suivant : L’art, un acte de résistance