L’art indien sort de l’ombre

Depuis deux ou trois ans, les spécialistes de l’art contemporain, ces commissaires free-lance qui ne cessent d’arpenter le monde allant de musées en visites d’ateliers, rencontrant les différents interlocuteurs de la création actuelle, s’étonnent de la vitalité rencontrée chez les jeunes artistes indiens. Depuis 1991, date d’instauration d’une économie libérale, l’Inde se trouve soudain confrontée à une grave crise identitaire qui sans cesse oscille entre le respect envers la tradition immuable et les « avantages » d’une modernité aux traits essentiellement occidentaux.
Il n’est donc pas très étonnant de rencontrer chez nombre de créateurs un regard à la fois critique et humoristique sur les aléas d’une culture en perpétuelle mutation. Du côté de l’engagement politique, Surendran Nair étudie à travers de vastes et étranges installations la récupération politique qui est faite de toute la mythologie hindou. Dayanita Singh ou même Sonia Khunana ont, quant à eux, choisi le support photographique. Ces deux artistes ont en commun d’enregistrer la confusion sociale du moment, l’un en fixant les mimiques des nouveaux riches, l’autre en étudiant les tensions que l’on peut repérer dans la posture des corps de chacun au quotidien. Enfin, parmi les autres artistes présents, il convient de remarquer les extraordinaires peintures de Atul Dodiya où les motifs pérennes de l’Inde se trouvent soudain mis en abyme dans une occupation picturale de la surface très inspirée des avant-gardes européennes. Parallèlement à cette manifestation, cinq peintres indiens contemporains sont mis à l’honneur à Boulogne-Billancourt.