Après « À Fripon, fripon et demi – pour une école buissonnière », à la collection Lambert en Avignon, après la « Small Biennal » à Utrecht, obéissant à l’engouement subit et grandissant pour les manifestations artistiques dédiées aux enfants, la Schirn Kunsthalle de Francfort s’essaie au délicat exercice de l’exposition à vocation familiale. Mais cette fois, l’accessibilité didactique se double d’un contenu aussi ludique que sérieux, déployant un parcours tout en amplitude et en couleurs, pointant avec tendresse et vitalité un univers nostalgique et débridé de joujoux, automates, mobiles ou autres bolides brillants et poupées extravagantes. Il ne s’agit plus d’expliquer aux petits un monde d’adulte, mais davantage de dévoiler aux parents autant qu’à leurs chérubins, un monde d’enfant, le tout légitimé par une ferme caution historique. Les deux cent cinquante œuvres présentées par une quarantaine d’artistes du XXe siècle ont donc pour fonction première de s’adresser sans médiation ou presque, aux plus jeunes. Un art pensé, inventé, imaginé pour les enfants, témoignant d’un champ jusqu’ici mal défriché et rarement offert au public. Picasso s’essaie en 1952 à la poupée pour sa fille Paloma, Bruno Taut imagine au début des années 1910 un assemblage féerique de pièces de verre brillant et coloré, en 1918 Rietveld assemble une petite voiture toute de plans géométriques et de couleurs primaires, Warhol bâtit dans les années 1980 une exposition destinée à nos seules têtes blondes et plus près de nous, Rosemarie Trockel conçoit, en 1999, un bolide en aluminium. Autant de petits objets extraordinaires et inédits disposés dans une scénographie pensée à l’échelle des enfants. Mais le sujet ne s’arrête pas pour autant au seul examen attendri d’un Paul Klee ou d’un Otto Dix fabriquant marionnettes ou imagiers pour leurs propres enfants, il est aussi et surtout l’occasion d’atteler imagination créatrice et enfance, un nœud esthétique largement requis en Allemagne et en Autriche au tournant du xxe siècle, dans le sillage du mouvement réformiste et des élans vitalistes. Il est encore prétexte à un examen original des liens tissés entre art et industrie, art et artisanat, art et pédagogie par les productions issues des Wiener Werkstätte ou des ateliers du Bauhaus. Le parcours sans doute plus convaincant dans sa partie historique que dans ses objets contemporains esquisse finalement une cartographie légère aussi séduisante que probante de quelques enjeux massifs de l’avant-garde historique.
« Kunst – Ein Kinderspiel » (« L’art – un jeu d’enfant »), FRANCFORT (Allemagne), Schirn Kunsthalle, Römerberg, tél. 069 2998 820, jusqu’au 18 juillet.
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L’art en culottes courtes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°559 du 1 juin 2004, avec le titre suivant : L’art en culottes courtes