L’Ancienne Douane à Strasbourg accueille une centaine d’œuvres du XXe siècle \" inspirées \" par le Rhin. De sa source dans les Alpes suisses jusqu’à la mer du Nord, l’exposition met en évidence la force symbolique du fleuve européen, toute différente suivant les époques et les origines nationales des artistes.
STRASBOURG - Les salles de l’Ancienne Douane de Strasbourg proposent un parti pris différent de ceux adoptés par le Rheinisches Landesmuseum de Bonn, en Allemagne, et le Museum Commanderie van Sint Jan de Nimègue, aux Pays-Bas, qui ont accueilli précédemment l’exposition. Alors que ces deux institutions avaient privilégié les grands paysages rhénans du XIXe siècle, l’exposition strasbourgeoise est centrée sur le XXe siècle. Les deux commissaires de l’exposition, Nadine Lehni et Friedemann Malsch, qui quittent tous deux quasi simultanément le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, ont voulu insister sur l’art contemporain avant que celui-ci ne disparaisse – pour un temps ? – de la programmation du musée.
L’exposition est ainsi consacrée, à parité, aux deux moitiés du siècle dont la Seconde Guerre mondiale constitue le tournant. Au début du vingtième siècle, l’influence des grands paysages romantiques du Rhin est encore présente dans la production de nombreux artistes allemands qui prennent le fleuve pour motif, à l’exemple de l’expressionniste Emil Nolde en 1906. Au fil des années, le Rhin n’est plus seulement représenté pour lui-même. Dans La fenêtre de Düsseldorf (1912) de Giacomo Balla, le fleuve est ainsi prétexte à une réflexion sur le tableau et l’ouverture sur le monde. Les activités portuaires et les allées et venues des bateaux à vapeur sont les thèmes de prédilection d’un certain nombre d’artistes rhénan d’avant-guerre. Ainsi, la Vue du port de Strasbourg de Charles Schenckbecher, en 1928, ou La fabrique de ciment de Oberkassel de Leo Breuer, en 1927, privilégient-ils une iconographie industrielle.
Les destructions massives et systématiques des grandes villes rhénanes, notamment de Cologne, lors de la Seconde Guerre mondiale, sont illustrées abondamment par les photographies d’Hermann Claasen ou de Lee Miller. Cette période ouvre alors une ère nouvelle dans la représentation du fleuve. Pourtant, d’Anselm Kieffer à Joseph Beuys, de Sigmar Polke et Martin Kippenberger à Jan Dibbets, les artistes n’ont cessé de se pencher sur le Rhin. Si la question de la pollution s’est substituée, par exemple, à la représentation figurée du fleuve lui-même, la charge symbolique de celui-ci reste forte, aujourd’hui encore.
Cependant, l’exposition met en évidence une histoire essentiellement allemande. Une minorité seulement d’artistes français, comme Paul-Armand Gette, se sont en effet intéressés au fleuve, car dans la culture française, le Rhin représentait autrefois un enjeu militaire avant de devenir frontière. Sa force symbolique est tout autre en Allemagne où il fut, au dix-neuvième siècle, un symbole national unificateur dans un pays longtemps divisé.
Le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, ville du Rhin aux confins des cultures françaises et allemandes, s’ouvre ici à la fois à une tradition à laquelle la cité n’a pas toujours été étrangère, et à un partenariat international dont ce musée ne peut se dispenser.
LE RHIN - DER RHEIN - DE WAAL. LE RHIN DANS L’ART ET LA CULTURE DU XXe SIÈCLE. Jusqu’au 5 mai. Ancienne Douane, 1a rue du Vieux-marché-aux-Poissons, 67000 Strasbourg. Ouvert tous les jours de 11h à 18h30, nocturne le jeudi jusqu’à 22h. Catalogue, 352 p., 280 F.
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L’art du Rhin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : L’art du Rhin