Comment relire l’art contemporain et révéler quelques-uns de ses contenus implicites ? Le Musée national d’art moderne propose, de septembre 1996 à septembre 1997, une série d’expositions "incongrues" à l’enseigne des péchés capitaux
PARIS - Dès sa naissance, l’art moderne a vécu "d’ismes" qui se voulaient plus décisifs les uns que les autres, et la deuxième moitié du siècle les a cultivés avec une prédilection particulière. Souvent par accident, la plupart du temps en dépit du bon sens, toujours par souci d’encadrer ce qui était supposé échapper au contrôle. Mais, loin d’avoir accompli le moindre progrès, la taxinomie galopante a montré ses limites et, du même coup, son caractère néfaste. Conservateur au Centre Georges Pompidou, Didier Ottinger puise dans les collections du musée pour proposer, en six volets, une relecture de l’art contemporain à partir des péchés capitaux qui, comme on le sait, sont au nombre de sept.
Sept péchés moins un
Si la Paresse, la Colère, la Gourmandise, l’Avarice, la Luxure et l’Orgueil seront traités de septembre 1996 à septembre 1997, manquera à cet inventaire canonique l’Envie, qui est sans doute le péché le plus répandu dans le domaine des arts. L’omission est sans doute polémique, mais elle indique aussi que le spectateur restera nécessairement sur sa faim. Quoi qu’il en soit, en dépit de son aspect inhabituel et incongru, voire caricatural, cette série entend mettre en avant les rapports de l’art et de la morale, qui n’ont pas toujours été privilégiés, loin s’en faut.
Comme on peut le voir ici et là, la tentation est grande, dès qu’il s’agit de redéfinir des critères esthétiques et historiques, d’adopter implicitement une attitude moralisatrice et finalement formaliste. Mais le péché est ici considéré comme le revers de l’utilitarisme. Et l’humour, dont le commissaire fait une arme, est l’un des seuls moyens de n’y pas sombrer. Les relations entre l’œuvre et le monde deviennent tout à coup multiples, inattendues, parfois très éloignées de celles que la propagande cherche à promouvoir exclusivement. La première partie, qui traite de la Paresse, présentera entre autres des œuvres Raymond Hains, de Claude Rutault, à l’ombre de la figure tutélaire de Marcel Duchamp qui, on s’en souvient, préférait la natation et les échecs à toute forme de travail.
Huit volumes de textes accompagneront les expositions. Le premier, dû à Michel Onfray et Didier Ottinger, exposera la problématique générale. Les autres seront monographiques, constitués d’analyses théoriques (Raoul Vaneigem, Michel Mafessoli, Jean-Paul Genne) et de fictions dues à des auteurs contemporains (Jacques Séréna, François Bon, Marie Ndiaye).
LES PÉCHÉS CAPITAUX, PREMIÈRE PARTIE : LA PARESSE, du 11 septembre au 4 novembre, Centre Georges Pompidou, galerie du Musée, Paris. Tlj sauf lundi 12h-22h, samedi-dimanche 10h-22h. Huit catalogues (à paraître) sous la direction de Didier Ottinger.
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L’art du péché
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°28 du 1 septembre 1996, avec le titre suivant : L’art du péché