Sous le titre, Corps sublimes, le Musée Dapper présente plus de 150 objets réunis autour du thème du corps et de la parure en Afrique. Bijoux, coiffes, sculptures illustrent les ornementations, scarifications et autres pratiques millénaires qui témoignent de l’art corporel africain.
PARIS - Dans les sociétés africaines, la notion même de parure autant masculine que féminine prend un sens très large. Le corps s’exprime non seulement par l’ornementation mais aussi par les marquages corporels.
Hommes, femmes, rois ou devins se parent avec un raffinement extrême, utilisant l’ivoire, les perles ou les métaux précieux. S’ils s’ornent provisoirement avec des coiffures, des bijoux, ils se marquent également pour l’éternité avec des scarifications, des déformations du crâne, des perforations de la bouche, du nez et des oreilles. La décoration corporelle joue un rôle esthétique, érotique, et révèle le statut social de l’individu. Ornements personnels, marquages statutaires, sont autant de signes culturels qui créent un véritable langage. "Corps sublimes" n’est donc pas "un simple inventaire de bijoux, mais une réflexion sur le corps", comme l’explique le commissaire de l’exposition, Christiane Falgayrettes.
Symboles de la royauté
L’exposition débute avec des pièces archéologiques. Les terres cuites Nok du Nigeria (Ve siècle avant J.-C.), ou bien Djenné (XIIe-XVIe siècles) du Mali, attestent la prédominance de la parure dans les cultures anciennes. Bracelets, anneaux de chevilles, colliers superposés sont toujours minutieusement reproduits sur les statues.
Dans les sociétés de l’ouest de l’Afrique (Ghana, Côte d’Ivoire), en revanche, les rois et les notables sont les seuls à porter de nombreux bijoux en or. Ces objets d’orfèvrerie précieuse contribuent au faste royal tout comme les regalia. Pendentifs, bagues et pectoraux sont devenus presque des symboles de la royauté chez les groupes Akan. À côté d’objets aux thèmes animaliers (crocodiles, poissons), surgit un pectoral Ashanti en or (fin du XVIIIe siècle) en forme de disque solaire, dont le motif floral est sans doute d’origine européenne. Jamais la maîtrise de la technique – fonte à la cire perdue – n’a atteint une telle virtuosité dans ce bijou de prestige.
Marquages rituels
Si les rois Ashanti se couvrent d’or, dans l’ancien royaume du Bénin (Nigeria), le souverain revêt une tunique de résille en perles de corail rouge, et accroche à sa ceinture des petits masques-pendentifs. Une coiffe à ailettes et de lourds colliers représentés sur les têtes commémoratives complètent la parure royale.
Au premier étage, la série de sculptures scarifiées ou peintes explore le thème des marquages rituels. Telles des "inscriptions corporelles", les scarifications en sont les meilleurs témoignages, qu’elles soient incisées sur une figure de masque Mossi (Nigeria) ou gravées en relief sur une rare statuette Bwende (République du Congo). En général, ces graphismes géométriques s’étendent sur le visage mais aussi sur le ventre, le dos, la poitrine ou les bras. Ils indiquent, notamment, l’appartenance à un groupe ethnique.
La coiffure
De même, la coiffure, toujours très élaborée, codifiée, participe à cet art visuel. Cheveux agencés, subtilement tressés, ou parés d’accessoires (épingles, peignes), font l’objet de tous les soins et répondent à un souci esthétique et de prestige, que ce soient les bonnets en raphia des Kongo ou les coiffes de perles des Kuba (Zaïre), portés uniquement par les chefs, les chasseurs ou les devins.
Enfin, des petites sculptures en bois et ivoire (sifflets de protection, labrets...) montrent que certains objets de parure peuvent aussi protéger le porteur, se confondant ainsi avec la fonction prophylactique des amulettes.
Corps d’hommes et de femmes parés, scarifiés. Les décorations corporelles en Afrique, au delà même de leur fonction symbolique, affirment toujours une valeur ornementale. Le corps humain, transfiguré, devient alors une véritable sculpture vivante.
"Corps sublimes", Musée Dapper, 50 avenue Victor Hugo,75016 Paris, jusqu’au 3 octobre 1994.
Catalogue, 21 x 28,6 cm, 280 p, 147 photos couleurs, 45 photos noir et blanc. Édition brochée 170 F, reliée 250 F.
Dans le cadre de l’exposition sont organisés des visites guidées (adultes et enfants), des séances de contes et d’animations et des spectacles de marionnettes. Tél.: 45 00 01 50.
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L’art du paraître
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : L’art du paraître