Sous le règne de Louis XIII (1610-1643) et de la régence d’Anne d’Autriche (1643-1661), les arts décoratifs témoignent d’une grande variété de styles et d’une volonté de montrer la richesse des commanditaires. Le Grand Palais, à Paris, dresse l’inventaire de cette période au travers de quelque 350 pièces – tapisserie, orfèvrerie, mobilier, gravure, horlogerie, armurerie, céramique, vitrail et reliure.
PARIS - Alors que les arts décoratifs des époques d’Henri IV et de Louis XIV ont généré plusieurs études et expositions, ceux du règne de Louis XIII (1610-1643) et de la régence d’Anne d’Autriche (1643-1661) restent méconnus, à l’exception, peut-être, de la tapisserie. “Cette époque est pourtant particulièrement féconde sur le plan des arts décoratifs grâce à la présence de mécènes hors du commun (Marie de Médicis, Anne d’Autriche, Richelieu, Mazarin, Fouquet...), à l’acclimatation en France d’artistes, d’artisans et de techniques d’origine étrangère et à la diversité des courants stylistiques”, explique dans le catalogue Daniel Alcouffe, l’un des commissaires de l’exposition du Grand Palais. Intimement liés à l’apparence, les arts décoratifs doivent refléter la vertu des commanditaires. Hautes de plus de quatre mètres, les immenses tapisseries, telle Les Paysans de Lycie changés en grenouilles (1630), exécutée d’après Toussaint Dubreuil, ou Saint Gervais et saint Protais apparaissent à saint Ambroise (1660), d’après Philippe de Champaigne, que les murs du Grand Palais peuvent tout juste contenir, répondent à cet art du paraître. Les bordures des tapisseries, qui renferment les titres de noblesse et de riches ornementations, ne cessent de croître jusqu’à occuper un tiers de la surface dans le Moïse sauvé des eaux (1630-1650), d’après Simon Vouet. À l’instar de la tapisserie de Paris qui connaît un essor remarquable, la gravure d’ornement remporte un franc succès pendant le règne de Louis XIII. Elle permet de diffuser à l’étranger le modèle décoratif français, à l’instar des estampes de Jean Lepautre, dont des salières, guéridons et objets religieux font preuve d’une grande inventivité. Comme dans ces gravures, un soin particulier est apporté aux encadrements des dessins préparatoires, présentés au début du parcours. Dans le Plafond aux armes de Richelieu (1635), par exemple, la place réservée à la peinture, dans le compartiment central, a été réduite au profit du cadre. De la cheminée au vase en passant par les vantaux des portes, “tous les objets et les parties du décor semblent se construire sur un art du contour”, note Emmanuel Coquery, un des commissaires de l’exposition. Pour saisir le langage décoratif du XVIIe siècle, il est intéressant d’observer en détail ces dessins d’ornement qui peuvent combiner, sur un même motif, de multiples variantes.
Des objets excentriques
La première moitié du XVIIe siècle correspond aussi à la naissance de l’ébénisterie en France. Venus d’Allemagne et des Pays-Bas, les “menuisiers en ébène” introduisent, à Paris, le cabinet, meuble d’apparat en bois plaqué d’ébène, composé de compartiments et de tiroirs fermés par des vantaux, dont l’exemple daté vers 1630, provenant d’une collection particulière, offre une belle évocation. En orfèvrerie, le style “cosse de pois” – ainsi intitulé en raison de ses formes longilignes et rondes – illustre parfaitement la synthèse, opérée par les arts décoratifs, des goûts flamands, pour les motifs végétaux et les formes rebondies, et italiens, pour les lignes tranchantes, pointues et effilées. Des nombreuses fontes occasionnées par les guerres et les crises ne subsistent que quelques pièces, dont les plus spectaculaires restent l’aiguière et le bassin d’Henriette-Marie de France (1625), conservées à Moscou. D’autres objets, plus excentriques, sont aussi exposés telle l’aiguière (1630-1635) imaginée par Pierre Delabarre à partir d’un vase-camée antique très endommagé. L’anse a été transformée en dragon, la monture ornée de petites feuilles polychromes rehausées de rubis, tandis que des figures humaines animales ou monstrueuses sont venues enrichir le décor végétal. Très spectaculaire, le vase est à l’image des arts décoratifs sous Louis XIII : exubérant. Partie intégrante du décor au XVIIe siècle, la peinture est à peine évoquée et les portraits de Louis XIII ou de Richelieu, initialement prévus, manquent à l’appel. On peut aussi regretter l’aspect trop traditionnel de la scénographie, qui se contente, bien souvent, d’aligner les objets derrière de simples vitrines.
- UN TEMPS D’EXUBÉRANCE – LES ARTS DÉCORATIFS SOUS LOUIS XIII, jusqu’au 8 juillet, Galeries nationales du Grand Palais, entrée square Jean-Perrin, 75008 Paris, tél. 01 44 13 17 17, tlj sauf mardi et 1er mai, 10h-20h et 22h mercredi. Catalogue, RMN, 480 p., 69 euros.
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L’art de l’exubérance
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Abonnez-vous dès 1 €Parallèlement à l’exposition du Grand Palais, le Musée Condé, au château de Chantilly (tél. 03 44 62 62 62, du 24 avril au 23 septembre), propose des reliures françaises du XVIIe siècle, appartenant à deux périodes bien distinctes – 1615-1665 et 1690-1710. Le premier groupe met en évidence l’apparition et le développement des fastueux décors dorés créés pour les plus hauts personnages de l’époque, tandis que la seconde partie présente des éditions anciennes élaborées pour des collectionneurs de livres, dénommés les “curieux”?.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°147 du 19 avril 2002, avec le titre suivant : L’art de l’exubérance