BRUXELLES / BELGIQUE
Lauréat en 2014 du prix de la Fondation Ricard, Camille Blatrix (né en 1984) fait partie de cette génération d’artistes qui, en résistance à la froideur et à la sécheresse des tendances persistantes de l’art conceptuel, assume les émotions.
Non pour les illustrer, mais comme prétexte pour produire des objets déroutants. « Je fais partie d’une génération qui aime que les choses échappent, qu’elles ne se laissent jamais totalement saisir », poursuit ce dernier. Cet art de l’esquive, cet esprit de l’entre-deux, domine l’actuelle exposition de ce trentenaire à La Verrière Hermès, où se mêlent, avec une certaine dose de provocation, froideur formelle et sentimentalisme. Un petit tableau qui reprend une phrase de Dante, Incipit Vita Nova, accueille le visiteur, telle une invitation à méditer sur le sens de sa vie. Suit, dans un parcours labyrinthique, la présentation d’autres tableaux figuratifs en marqueterie réalisés avec l’aide d’un ébéniste et représentant l’évolution en parallèle d’un haricot et d’un papillon sur un ton quasi surréaliste, voire psychédélique. Conçues avec le même amour du savoir-faire en collaboration avec un designer, des lampes prennent le contre-pied de ce versant onirique, de même que des cartons posés ici ou là qui donnent à l’espace des allures d’entrepôt. Installés dans des niches, des ready-made dérisoires (un appareil dentaire, une trousse d’écolier recouverte de dessins, un petit sac Starbucks Coffee…) distillent un pathos plein d’autodérision qui contraste avec l’aspect léché des autres pièces. Construite à travers une succession de jeux de renvois formels et émotionnels, cette exposition ressemble à un voyage sans début ni fin parmi des objets dotés d’une étrange sensibilité.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°727 du 1 octobre 2019, avec le titre suivant : L’art de l’esquive de Camille Blatrix