Ils nous regardent. Encore un peu, et on les croirait vivants : le bœuf musqué s’approcherait de nous pour brouter, le lynx se laisserait caresser, l’antilope saïga, d’un bond, prendrait la fuite.
Et un jour il ne resterait d’eux, vraiment, que des os ? Alors que la biodiversité s’effondre, le Musée de la préhistoire des Eyzies a transformé son espace d’exposition en une arche de Noé archéologique : elle y donne à découvrir des taxidermies d’animaux rares – comme le bœuf musqué donc, qui vécut en Dordogne pendant la dernière période glaciaire – ainsi que des vestiges ou des représentations d’animaux parfois inattendus, comme le glouton, l’hydrontin, le phoque ou le renard polaire, exhumés sur des sites naturels ou archéologiques. Classés par groupes d’animaux – herbivores, carnivores, animaux marins ou oiseaux –, leurs ossements évoquent la biodiversité de cette période où les hommes, chasseurs-cueilleurs, n’avaient pas d’impact conséquent sur la nature. Si certains animaux, comme les lions des cavernes ou le mégacéros, ont disparu vers 12 000 av. J.-C., la plupart existent encore aujourd’hui. Pour combien de temps ? Cette question apparaît d’autant plus bouleversante que cette exposition archéologique et citoyenne, qui s’achève par une ouverture sur les enjeux actuels, témoigne aussi de notre fascination pour le règne animal depuis la préhistoire. Nos ancêtres gravaient des lynx sur des plaquettes de schiste, des gloutons sur des bois de renne, des loups ou des cétacés sur des fragments d’os : de ces êtres, nous sommes aujourd’hui les gardiens.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°728 du 1 novembre 2019, avec le titre suivant : L’arche de Noé