Disposant à la fois de la « Galerie » et de la « Rue », c’est-à-dire des deux mille mètres carrés des espaces d’exposition du Magasin, Xavier Veilhan propose à Grenoble sa plus grande monographie à ce jour. Avec une parfaite maîtrise, l’artiste déploie peintures, environnements et sculptures dans une réflexion sur les possibles qui privilégie la figuration.
GRENOBLE - Derrière le rail qui permet à la Ford T de circuler d’un bout à l’autre de la “Rue” est peint à l’huile, sur le mur, un petit arbre, représenté de façon naturaliste. Cette peinture, dont la première version date de 1991, est un peu, au propre comme au figuré, l’arbre qui cache La Forêt. Derrière la cloison qui lui tient lieu de support se trouve en effet cette grande installation de l’artiste, espace dans l’espace dans lequel le visiteur est invité à s’enfoncer. Cette pièce, qui appartient aujourd’hui au Musée d’art moderne et contemporain (Mamco) de Genève, est présentée ici dans une version moins sombre, dans laquelle il est devenu difficile de s’égarer. Cette remarque est tout aussi valable pour La Grotte, autre pièce en feutre, qui, pour sa quatrième présentation, gagne en clarté ce qu’elle perd en mystère. Les coins et recoins plongés dans l’obscurité se font malheureusement rares à l’intérieur de cette version grenobloise.
Dans la “Galerie”, l’artiste a réinstallé La Plage, grand panoramique déjà présenté à la dernière Biennale de Lyon, avant une série d’impressions numériques par jet d’encre, comme la Tour Eiffel ou le Dirigeable. Dans ces “tableaux”, Xavier Veilhan met en scène, avec un dépouillement minimaliste, des personnages et des symboles de la modernité ou des exploits des ingénieurs, une tour Eiffel coupée en deux d’un côté, un dirigeable flottant légèrement dans les airs de l’autre. En coiffant ses personnages de chapeaux hauts de forme ou, comme dans d’autres pièces de cette série, en habillant les hommes de toges à l’antique, Veilhan explore des “âges des possibles” : des époques d’utopie moderniste ou non, mais qui offraient différentes directions de recherches, des axes de développement ouverts, avant que certains d’entre eux ne soient finalement choisis. Il en est de même pour les Vélos, pièce montrée non loin, et qui réunit trois cycles réalisés à rebours, en partant du vélo tout terrain actuel jusqu’à une draisienne sans direction ni frein. Ce travail sur la mécanique l’a également conduit à reconstruire presque à l’identique une Ford T, véhicule symbolique s’il en est, puisque ce fut la première automobile montée à la chaîne. Ailleurs, le visiteur se fait complice du fonctionnement des Grues, dont le mouvement circulaire est déclenché par l’ouverture de la porte de la salle accueillant cette installation.
Éviter toute naïveté
Au-delà de cet axe de réflexion lié à la mécanique et à une certaine forme du progrès, l’artiste pose également la question de la représentation aujourd’hui, pour ne pas employer le terme de “figuration”. Cette question n’est pas fortuite puisque, dans les années quatre-vingt, Xavier Veilhan participa, en particulier avec Pierre Huyghe et Claude Closky, à l’aventure des Frères Ripoulin, une figuration libre à la française. Le corpus d’œuvres de l’artiste réuni à Grenoble, qui correspond à une dizaine d’années de production, met en exergue un attachement à la simplification des formes, pour privilégier le caractère générique du dessin, pour dépasser le détail, le particulier au profit du pouvoir évocateur, du sens véhiculé par la peinture, par la sculpture, par l’environnement. L’artiste évite cependant toute naïveté, même si certaines de ces créations font penser à des objets créés pour les enfants. Il dissipe cependant toute ambiguïté concernant ses intentions. “Je parle d’un référent qui est le même que le jouet, se défend Xavier Veilhan. Mais je ne parle pas du jouet.”
- XAVIER VEILHAN, jusqu’au 7 janvier 2001, Magasin, Centre national d’art contemporain, 155 cours Berriat, Grenoble, tél. 04 76 21 95 84, tlj sauf lundi 12h-19h, www.magasin-cnac.org
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L’arbre qui cache la forêt
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°114 du 3 novembre 2000, avec le titre suivant : L’arbre qui cache la forêt