NANTES - L’année écoulée aurait pu s’intituler « L’année de l’Italie en France », tant ont proliféré les expositions sur la même lapalissade : l’Italie est la terre d’inspiration par excellence des peintres français jusqu’au XIXe siècle.
« Fascinante Italie », au Musée des beaux-arts de Nantes, ne déroge pas à la règle, mais tente toutefois de « prendre volontairement le contre-pied » des discours habituels selon la directrice des lieux, Blandine Chavanne. Avec pour cadre chronologique deux dates spécifiques – 1853, année du premier voyage de Manet en Italie, et 1917, année de celui de Picasso venu réaliser les costumes de Parade –, la présentation se veut diversifiée. Elle mise autant sur les âmes académiques (Hébert, Cabanel, Baudry…) que sur les avant-gardistes (Monet, Kandinsky, Van Gogh…), l’omnipotence du modèle italien n’ayant pas épargné les jeunes artistes fâchés avec l’establishment. Organisé par thèmes (carnets de voyage, portraits, histoire, littérature…), le parcours examine les degrés de fascination qu’exerce le pays sur les artistes, mais à trop vouloir ériger l’Italie sur un piédestal, certains détails passent à la trappe. Si l’on en croit les commissaires de « Monet in the XXth century » présenté en 1999 à la Royal Academy de Londres, les séjours vénitiens de Monet relevaient avant tout de la mission contractuelle (le peintre y avait été envoyé par son marchand Durand-Ruel, conscient du potentiel attractif de ces vedute). Cela dit, les Gondoles à Venise ici présentées ne figurent incontestablement pas au chapitre commercial.
Manet en copiste éclairé
Si l’exposition réserve des petits bijoux (le Pifferaro de Gérôme, le Loup d’Agubbio de Merson ou encore Les Trois Juges de l’Enfer de Doré), le plus regrettable est sa trop grande hétérogénéité. L’extrême variété des critères d’entrée (Derain qui peint une Italienne sans avoir mis les pieds en Italie, parce que le sujet était à la mode par exemple), allant de la profession de foi à l’attirance superficielle, se concrétise en un accrochage qui manque parfois de cohérence. Si chaque choix est individuellement justifié grâce à d’excellents cartels, l’ensemble pêche par excès et mériterait d’être resserré en abordant moins de thèmes. À l’image de la salle consacrée aux copies de maîtres qui sait amadouer les esprits : comment, en effet, ne pas voir le Déjeuner sur l’herbe de Manet dans la copie du Concert champêtre de Giorgione par Cabanel ? L’inspiration futuriste des costumes de Picasso pour Parade paraît ainsi bien anecdotique face au travail de copie de Manet qui, en isolant les personnages des tableaux de Del Sarto, Ghirlandaio ou Raphaël, leur insuffle une dimension psychologique et en fait des œuvres « intemporelles », comme l’explique avec justesse le commissaire Cyrille Sciama. Maurice Denis, quant à lui, est l’artiste qui se démarque le plus de ces congénères : sa réinterprétation toute personnelle des paysages, des portraits, des scènes religieuses et même de l’histoire contemporaine font de lui le peintre qui a su le mieux traduire la fascination qu’il éprouvait pour l’éternelle Italie.
Commissariat scientifique : Isabelle Julia, conservatrice générale à l’Inspection générale des musées de France ; Catarina Zappia, professeur à l’Université de Pérouse ; Cyrille Sciama, conservateur chargé des collections XIXe au musée
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L’appel de l’Italie
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Abonnez-vous dès 1 €FASCINANTE ITALIE, DE MANET À PICASSO (1853-1917) , jusqu’au 1er mars 2010, Musée des beaux-arts de Nantes, 10, rue Georges-Clémenceau, 44000 Nantes, tél. 02 51 17 45 00, www.nantes.fr, tlj sauf mardi et jours fériés 10h-18h, jeudi 10h-20h. Catalogue, éd. Gallimard, 191 p., 30 euros, ISBN 978-2-0701-2734-4
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°315 du 11 décembre 2009, avec le titre suivant : L’appel de l’Italie