Lanfranco l’illusionniste

Itinéraire d’un pionnier de la peinture baroque

Le Journal des Arts

Le 28 septembre 2001 - 461 mots

En mettant au point à Sant’Andrea della Valle un prototype du grand décor illusionniste, Giovanni Lanfranco (1582-1647) donne une nouvelle vie à la leçon de Corrège, et s’affirme comme l’un des principaux peintres de la Rome baroque. Au palais des ducs de Parme, une centaine d’œuvres, peintures et dessins, évoquent le parcours de ce maître de la lumière et de la couleur.

COLORNO - “C’est à Parme que tout a commencé, par l’apprentissage auprès d’Agostino Carracci mais surtout par la profonde méditation sur Corrège”, considère Erich Schleier, spécialiste du Seicento et responsable de l’exposition. Aussi, il revient naturellement à la cité natale de Giovanni Lanfranco (1582-1647) de lui consacrer une ambitieuse rétrospective. Plus exactement, cette exposition se tient à Colorno, dans le palais des ducs de Parme. Pour l’occasion, de nouvelles salles au premier étage de ce palais du XVIIIe siècle jusqu’alors fermées ont été ouvertes au public et accueillent aujourd’hui une centaine d’œuvres de Lanfranco.

S’il collabore avec les Carrache au décor du palais Farnèse de Parme, l’artiste émilien s’émancipe rapidement de leur manière classicisante, privilégiant des compositions dynamiques. Peintre “d’ombre et de lumière entre terre et ciel” comme le définit Bellori, il mêle la leçon de Corrège au clair-obscur de Caravage au service d’une nouvelle perception de l’espace. Après quelques commandes ecclésiastiques et aristocratiques, la coupole de l’église de Sant’Andrea della Valle, peinte à fresque entre 1625 et 1627, signe son installation définitive sur la scène romaine. Avec ce morceau spectaculaire, il met surtout au point un modèle de décor illusionniste promis à une belle fortune, de Pierre de Cortone à Baciccio. Un siècle après la coupole de la cathédrale de Parme, il donne une nouvelle vie aux inventions de Corrège, dont le talent de coloriste ne devait pas le laisser insensible. En 1634, il est appelé à Naples afin de réaliser une série de travaux prestigieux : les coupoles de l’église du Gesù, de la Certosa di San Martino et des Saints-Apôtres, ainsi que la chapelle du Trésor dans la cathédrale auxquelles s’ajoutent des commandes privées. Cette tâche considérable sera menée à bien en une douzaine d’années.

L’exposition rend compte de cette activité intense en réunissant des œuvres majeures, du Couronnement de la Vierge du Louvre, la splendide Sainte Agathe en prison de la Pinacothèque nationale de Parme, la Sainte Madeleine enlevée par les anges de Capodimonte. Affichant un parti chronologique, elle emprunte un itinéraire de couleurs chaudes et vives, de figures monumentales, de formes élégantes et de scènes spectaculaires. Dans les salles du palais ducal de Colorno éclate un jeu extraordinaire de lumières et d’ombres, d’extase et de chair.

- Giovanni Lanfranco. UN PEINTRE BAROQUE ENTRE PARME, ROME ET NAPLES, jusqu’au 2 décembre, Palazzo ducale, via Mazzini 43, Colorno, tél. 39 0521 210 752, tlj 9h30-18h30. Catalogue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°133 du 28 septembre 2001, avec le titre suivant : Lanfranco l’illusionniste

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