Le pari de construire une exposition à partir d’une revue est ambitieux. Sur les cimaises du Musée Reina Sofía, le résultat est réussi.
Mais le visiteur doit prendre le temps de lire, de se documenter et d’observer longuement, car la compréhension immédiate n’est pas de mise pour rentrer pleinement dans l’histoire si riche d’Amauta (1926-1930). Cette revue péruvienne est née à un moment charnière pour l’Amérique latine, où plusieurs mouvements politiques réagissent à l’impérialisme américain, comme l’Unión Latinoamericana, en Argentine, ou l’Alliance populaire révolutionnaire américaine, fondée au Pérou. Ces dernières militent notamment pour que l’Amérique latine ne soit plus « un concept romantique rattaché à une culture ou à des rites, mais à un projet politique radical », soulignent les commissaires d’exposition Natalia Majluf et Beverly Adams. Fondée à Lima par un marxiste convaincu, José Carlos Mariátegui, Amauta n'a duré que quelques années, mais marqué la pensée des années 1920, comme en témoignent les deux cent cinquante œuvres de l’exposition. On y découvre des contributeurs de renom, allant des peintres Diego Rivera et José Sabogal à des auteurs comme Jorge Luis Borges et Luis Cardoza y Aragón, en passant par des Européens, comme André Breton ou Sigmund Freud. Les enjeux sont aussi bien politiques qu’esthétiques. L’un des exemples les plus flagrants est l’« Indigenism », ce mouvement artistique de 1920 qui, en réaction à l’hégémonie occidentale, revalorise la culture précolombienne que l’on retrouve dans les photographies en noir et blanc de Martín Chambi et dans les peintures de Julia Codesido.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°723 du 1 mai 2019, avec le titre suivant : L’Amérique latine des années 1920, un projet radical