Le Musée des Arts déco déroule les papiers peints de son importante collection. Quatre siècles de créations à parcourir de manière ludique et si possible avec une lampe torche.
PARIS - Au Musée des arts décoratifs, à Paris, l’exceptionnel et néanmoins méconnu fonds du département des papiers peints compte aujourd’hui plus de 400 000 pièces, ce qui en fait la plus importante collection conservée au monde. Du XVIIIe siècle à nos jours, trois cents d’entre elles sont, ici, mises en lumière dans l’exposition intitulée « Faire le mur, Quatre siècles de papiers peints ». « Mis en lumière » n’est sans doute pas le terme adéquat tant la scénographie pêche sur deux points précis. D’abord, l’éclairage justement, tamisé à outrance (pour des raisons de conservation ?), si bien qu’on a parfois du mal à bien distinguer certaines œuvres. Ensuite, l’absence de cartels : à l’entrée de chaque salle – il y en a six –, le visiteur est invité à consulter une fiche sur laquelle figurent des explications, sauf que les fameuses conditions d’éclairage rendent l’opération laborieuse. Avis donc aux amateurs de papier peint : si vous venez avec votre lampe vous découvrirez moult trésors.
Afin d’« illustrer un large éventail des cultures et des savoir-faire », le parcours réunit des productions d’origines et issues de périodes différentes. Les pièces étant accrochées sans ordre chronologique, il est amusant de tenter de les dater. Attribué à l’atelier Remondini, ce motif Domino qui arbore d’énormes fleurs bleues et feuilles dorées rehaussées par une répétition de cadrages géométriques paraît plus « moderne » que son époque réelle de fabrication : vers 1750. D’autres, en revanche, affichent clairement leur âge comme ces motifs très Art déco, tels Le Rayonnant du dessinateur Adrien Garcelon ou Soleil d’Éric Bagge, conçus en 1929. De même, Décor signé René Fumeron, bucolique et stylisé paysage de bord de mer, avec barques et filet de pêche, aux couleurs et au graphisme s’annonce clairement années 1950.
Jeux de rôle et trompe-l’œil
On peut aussi se laisser aller au jeu des comparaisons et admirer la rigoureuse symétrie de L’Automne, lé en arabesque de la Manufacture Réveillon (1786), et de Skeleton, motif du tandem belgo-batave Studio Job (2000) et réunissant une flopée de squelettes d’animaux. Plus étonnant est le Grand Blotch Damask, imaginé l’an passé par le duo écossais Timorous Beasties, lequel, de prime abord pourrait évoquer un motif du XVIIIe siècle, tel celui accroché en regard – Arabesque à double chemin, datant de 1780-1790 – ; alors que, de plus près, le visiteur remarquera que l’apparent lyrisme se fait en réalité allègrement chahuter par une myriade d’explosions de couleurs.
Le papier peint a été inventé pour recouvrir une paroi, parfois la dissimuler, du moins en « falsifier » sa vision. Ainsi en est-il des trompe-l’œil dont les exemples sont, ici, légion. Le motif Gothique, époque romantique, issu en 1857 de la Manufacture Jules Desfossé n’a rien à envier à cette Porte trompe-l’œil conçue en 2010, par le couturier Martin Margiela. Moins trompe-l’œil que subtile pirouette graphique, l’accumulation de dessins tous azimuts sur fond noir, signée Leonor Fini et Jacques Hincelin, est admirable. Il suffit de se rapprocher de l’œuvre pour distinguer que ce joyeux graphisme n’est autre qu’un amas de déchets : arêtes de poissons, épluchures et coquilles d’œufs écrasées. Nom du papier peint : Lendemain de fête (1948-1949).
Chaque époque voit ses créateurs phares s’essayer à l’exercice : les Jacques-Émile Ruhlmann, Francis Jourdain, Jean Lurçat, Henri Sauvage, en France, tout comme l’Anglais William Morris (The Pimpernel, 1878), l’Autrichien Dagobert Peche (le splendide Ephev, 1921) ou l’Italien Piero Fornasetti (Mediterranea et Notambule, édités respectivement en 2008 et en 2012, par l’Anglais Cole & Son). Logiquement, la section contemporaine est moins fournie. On y retrouve néanmoins des propositions joviales et bariolées de Jean Tinguely (Vive la liberté), Niki de Saint-Phalle (Nana) et Allen Jones (Right Hand Lady), édités en 1972 par l’Allemand Marburg, ou Tatouages signé par Claude Closky (1998). Y manquent quelques propositions très récentes comme cette édition lancée, fin 2015, par la Serpentine Gallery, à Londres, et le fabricant américain Maharam, rafraîchissante collection imaginée par des stars de l’art contemporain (Lawrence Weiner, Ai Weiwei, Rosemarie Trockel, John Baldessari) et de l’architecture (Sanaa ou Toyo Ito).
Commissaire de l’exposition : Véronique de La Hougue, conservatrice en chef du département des Papiers peints, au Musée des arts décoratifs
Scénographie : Philippe Renaud, société Cinquante-Cinq
Nombre de pièces : 300
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Laissez parler les papiers peints
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 12 juin, au Musée des Arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. : 01 44 55 57 50, mardi-dimanche 11h-18h et jeudi 11h-21h, entrée 11 €, www.lesartsdecoratifs.fr. Catalogue Édition Les Arts décoratifs, 96 p., 35 €.
Légende photo
Lendemain de fête, Société française des papiers peints SANITEX, dessinateurs : Léonore Fini et
Jacques Hincelin, collection « Edition d’art », papier à pâte mécanique, impression au cylindre, 1948. © Photo : Jean Tholance/Les Arts Décoratifs, Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°452 du 4 mars 2016, avec le titre suivant : Laissez parler les papiers peints