Le Musée des beaux-arts de la ville met en lumière le foisonnement artistique à Tours aux alentours de 1500.
TOURS - En 2006, le Musée des beaux-arts de Tours fait l’acquisition d’une délicate Vierge de pitié sculptée datée aux alentours de 1480. L’année suivante, Philippe Le Leyzour, alors directeur du musée, fait entrer dans ses collections, grâce à une importante opération de mécénat, un diptyque de l’atelier du peintre et enlumineur Jean Bourdichon, composé de deux panneaux, un Christ bénissant et une Vierge en oraison (vers 1480-1485), considérés comme « trésors nationaux ». L’idée d’organiser une exposition autour de la création artistique à Tours à l’aube et au début du XVIe siècle prend alors forme – début 2011, le musée achète une Vierge à l’Enfant en albâtre datée vers 1520. Le projet aboutit aujourd’hui avec « Tours 1500 », dont le titre fait directement référence à la magistrale exposition « France 1500 » inaugurée à l’automne 2010 au Grand Palais.
À la fin du XVe siècle et pendant le premier quart du XVIe siècle, Tours et la vallée de la Loire connaissent une véritable effervescence artistique due à la présence royale dans la région. La Couronne, les princes, les officiers royaux encouragent la commande artistique dans tous les domaines de la création : tapisserie, peinture, sculpture, architecture, arts décoratifs, arts graphiques, vitrail ou orfèvrerie. Démonstration est faite dans un premier espace qui aborde le rôle des commanditaires au travers d’œuvres comme la tenture de la Vie de saint Saturnin, dont le musée est parvenu à réunir les trois pièces encore existantes, conservées au château de Langeais et à la cathédrale d’Angers. Commandée par Jacques de Beaune, seigneur de Semblançay, la tapisserie s’inscrit dans la tradition lissière qui veut que plusieurs scènes soient représentées dans un même cadre, tout en induisant des nouveautés à l’instar du cadre architecturé. Plus loin, le retable du Liget (1485), conservé au château de Loches, évoque la peinture tourangelle à travers l’un de ses plus illustres représentants, Jean Poyer, un artiste qui a le « sens du drame, de la mise en scène et un goût prononcé pour l’innovation iconographique comme dans le choix de représenter, pour la première fois, une croix brisée, en écho à la Vierge brisée », souligne l’historienne Pascale Charron. Elle est l’un des quatre commissaires de cette exposition réunissant spécialistes de la peinture et de la sculpture, conservateurs et historiens : un mélange salvateur comme le montre ce parcours, à la fois érudit et accessible au plus grand nombre.
Des pièces jamais exposées
Lorsque les commissaires ont commencé à travailler à leur projet, ils ne se doutaient pas que les conservateurs des musées du Louvre, de Cluny et d’Écouen, faisaient de même de leur côté pour le Grand Palais. « “France 1500” s’est beaucoup reposée sur les collections de la Bibliothèque nationale de France (BNF), et comme les manuscrits ne peuvent être exposés trop longtemps, il nous a fallu faire preuve d’imagination. C’est une chance finalement, car Tours présente aujourd’hui des pièces qui n’avaient jamais été montrées en France », explique Pierre-Gilles Girault, l’un des commissaires. Ne pouvant demander Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne (1508) de Bourdichon, le musée a choisi de réunir ici (pour la première fois en France) les onze feuillets issus des Heures de Louis XII. Réalisés par Bourdichon à Tours, entre 1498-1502, ils proviennent de différentes institutions anglo-saxonnes telles que le J. Paul Getty Museum à Los Angeles, le Victoria and Albert Museum ou la British Library à Londres.
Jean Bourdichon fut nommé peintre du roi en 1480, date à laquelle son atelier réalisa le Christ bénissant et la Vierge en prière. Les deux panneaux sont présentés aux côtés d’une enluminure détachée issue des Heures dites d’Anne de Beaujeu, et attribuée au Maître du Boccace de Munich, probable fils du célèbre Jean Fouquet, originaire de Tours. Sa présence permet d’évoquer la fin de l’atelier de Jean Fouquet et son rayonnement dans les ateliers tourangeaux. La sculpture tourangelle est représentée à travers différentes figures de la Vierge à l’Enfant et une évocation de Michel Colombe, avec quelques moulages des rares pièces attribuées au sculpteur. Pour l’architecture, la visite se poursuit dans la ville et ses environs où subsistent encore des vestiges de cet âge d’or tourangeau auquel François Ier mit un terme en décidant d’installer sa cour à Paris et Fontainebleau.
jusqu’au 17 juin, Musée des beaux-arts, palais des Archevêques, 18, place François-Sicard, 37000 Tours, tél. 02 47 05 68 73, tlj sauf mardi, 9h-18h (fermé le 1er mai). Catalogue, éd. Somogy, 385 p., 39,90 €.
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L’âge d’or tourangeau
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissariat scientifique : Béatrice de Chancel-Bardelot, conservatrice en chef, pensionnaire de l’Institut national d’histoire de l’art ; Pascale Charron, maître de conférences à l’université de Tours ; Pierre-Gilles Girault, conservateur adjoint du château et des musées de Blois, et Jean-Marie Guillouët, maître de conférences à l’université de Nantes
- Commissariat général : Philippe Le Leyzour, conservateur général au service des Musées de France ; Guy du Chazaud, conservateur en chef des antiquités et objets d’art d’Indre-et-Loire
- Scénographie : Loretta Gaïtis
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : L’âge d’or tourangeau