À l’occasion de son exposition “Condensation”?, à la Cosmic Galerie, à Paris, la photographe Lætitia Bénat expose ses dessins. Elle a répondu à nos questions.
D’où vient le titre de votre exposition, “Condensation” ?
Le titre sonne bizarrement, surtout quand on le prononce... mais une des raisons qui m’ont conduites à le choisir c’est cette idée de passage d’un “corps” (avec toutes les ambiguïtés que comporte ce mot) à un autre. Comme si les images obsédantes ou les idées sans réalisation que j’ai en tête avaient changé de corps et étaient donc passées du gaz de la pensée à l’image condensée du dessin. Pour reprendre plus simplement cette idée de condensation, mes dessins seraient comme une sorte de buée sur les murs de la galerie. Un point de rosée. Et ce titre est aussi une allusion un peu personnelle aux “condensateurs” de Lacan ; ceux qui les connaissent savent ce qu’ils condensent justement.
C’est la première fois que vous présentez vos dessins. Cette pratique est-elle nouvelle pour vous ?
C’est la première fois que je les montre publiquement, mais c’est un médium que j’utilise depuis toujours. Jusqu’à peu, mes dessins restaient dans des cahiers, des carnets de notes... Puis, avec un peu l’idée du partage, j’ai commencé à en montrer certains à des amis. Parmi eux, Makoto Ohuri, à l’époque le directeur artistique du magazine Purple, avec qui nous avons décidé d’en utiliser deux pour le sommaire de chaque numéro du magazine, pendant deux ans. L’année dernière, j’ai réalisé une synthèse des carnets avec un livre paru chez One Star Press. Cette forme convenait particulièrement ; je retrouvais cette manière que j’avais eue de les présenter jusque-là. Ici, à travers le déroulé non chronologique des dessins, j’ai aussi tenté d’écrire une histoire. Une sorte de longue “lettre à...”. C’était un peu comme des remontées du passé, d’amours mortes.
Après ces moments de retenue, j’ai répondu avec plaisir mais non sans appréhension à l’invitation de Claudia Cargnel, la codirectrice de la Cosmic Galerie, qui est aussi l’une des premières personnes à avoir vu mes dessins. Dans l’exposition, là encore, j’essaie de garder une forme d’intimité dans le rapport au dessin. Les formats sont assez petits. Je fais donc les mêmes dessins que d’habitude mais sur le mur. La façon dont les gens les ont toujours regardés ne doit pas changer. Je n’ai pas envie qu’ils les englobent en les regardant de loin, mais plutôt qu’ils les lisent en les regardant de près.
Comment articulez-vous vos dessins à vos vidéos et photographies ? Quels liens établissent-ils avec votre travail de l’image ?
Plus que des liens, c’est une complémentarité. Chaque médium m’apporte une manière différente d’exprimer les mêmes préoccupations. La photographie me permet de montrer comment je vois quelque chose. La vidéo est de l’ordre du ressenti : elle joue sur l’espace, le son, la durée. Alors, le dessin, ce serait peut-être ma façon de parler !
Vous vous êtes fait connaître grâce à vos photographies parues dans Purple, magazine auquel vous continuez aujourd’hui à collaborer . Vous avez aussi réalisé des images pour Helmut Lang ou Margiela. Quels liens entretenez-vous avec le milieu de la mode ?
Il y a des gens qui croient me connaître simplement à travers ce travail dans et pour Purple ; malheureusement, ils ont une vue très partielle voire faussée de mon travail. D’une certaine manière, cela me dessert un peu, mais je n’ai jamais aimé les panoplies complètes et directement assimilables. Je sais qu’on me comprendrait mieux si je décidais de n’évoluer que dans un milieu purement artistique ou même purement mode (car dans ce milieu-là aussi, il y a une sorte de confusion par rapport à mes images), ou encore si j’essayais de me justifier à travers des concepts “bidons”, comme expliquer que j’établis une quelconque passerelle entre les deux catégories. Mais non, je ne fais pas de passerelle. À ma façon, je suis juste “ici et ailleurs”. Pour finir... la mode, justement, cela m’a fait du bien. Mon histoire avec Purple, c’est du travail et de l’amitié, c’est aussi l’effervescence des années 1990. Et plus que la mode, ce que j’ai découvert, c’est un mode... de prise de vues, d’images, de vie.
Cosmic Galerie, 76 rue de Turenne, 75003 Paris, tél. 01 42 71 72 73, du 1er septembre au 5 octobre.
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Laetitia Bénat
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Laetitia Bénat